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Type de Document : Commune
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Tipe : Comuna / Data : 2017

En 2012, le retrait de la présidente Cristina Kirchner pour raisons médicales, conduisait le vice-président Amado Boudou aux plus hautes fonctions de l'État argentin. Comme son patronyme le laisse supposer, l'homonyme du célèbre auteur occitan Jean Boudou possède bien des racines aveyronnaises. Il est l’un des descendants des colons de Pigüé, ville fondée par des migrants aveyronnais en 1884. 

L’identité pigüense, aujourd'hui argentine mais encore fortement matinée de culture aveyronnaise (expressions et toponymie occitane, gastronomie, culture, etc.) nous rappelle que l’Occitanie fut autant terre d’immigration que d’émigration au cours de son histoire. De ces migrations d’occitanes demeure une diaspora qui conserve une part de son occitanité, ici en Argentine ou là en Calabre. 

L'Eldorado argentin

Au XIXe siècle, les problèmes que connaît la viticulture aveyronnaise conduit de nombreux habitants à rechercher des cieux plus cléments en France, en Europe ou à l'étranger. L'Argentine et ses grands espaces constituent une terre d'élection pour les migrants, dont l'installation est d'ailleurs favorisée par le tout jeune État.

Ancien militaire français ayant participé à des campagnes en Argentine, l'aveyronnais Clément Cabanettes fait partie des pionniers de la colonisation. Fondateur de la première compagnie téléphonique du pays, ce natif de Lassouts fait l'achat de terrains au lieu-dit Pigüe, en plein cœur de la pampa argentine. Des terres qui aux alentours de 1880, sont encore à l'état sauvage, et qu'il lui faut dès lors valoriser.

Faisant la traversée jusqu'à son pays natal, il convainc sur place plusieurs dizaines de familles de quitter un quotidien particulièrement difficile pour tenter l'aventure de l'Eldorado argentin. Après trois mois de voyage, une quarantaine de familles aveyronnaises s'installent ainsi le 4 décembre 1884 à Pigüé.

La jeune colonie prend place dans une zone semi-désertique, ancienne terre des Indiens mapuches à l'origine de son nom. C'est donc dans un espace vierge de l'influence espagnole que les premiers colons aveyronnais fondent leur cité nouvelle. Les débuts s’avèrent particulièrement difficiles. Les colons découvrent des conditions climatiques et de culture très différentes de celles qu'ils connaissaient en Aveyron. Mais ces obstacles ne freinent pas l'arrivée continue de nouveaux migrants attirés par les promesses du Nouveau Monde, et la population croît de façon exponentielle. La situation des habitants de Pigüé va par ailleurs s'améliorer dès les débuts du XXe siècle.


Pigüe l'occitane ?

Les premières décennies de Pigüé sont marquées par une forte endogamie au sein de la communauté aveyronnaise. Celle-ci favorise d'autant la transmission de la culture et de la langue occitanes, encore confortée par le flux constant de nouveaux migrants aveyronnais jusqu'au début du XXe siècle. Les veillées, cérémonies et réunions de famille sont autant d'occasion de se remémorer le pays quitté, à travers récits et chansons en occitan, au rythme de la bourrée. La présence d'une paroisse et d'une institutrice françaises dès les premiers temps de la fondation puis, la création d'associations viennent conforter la permanence de cette langue et, dans une moindre mesure, celle de l'occitan.

La langue d'oc est en effet la première victime de l'assimilation progressive à la société argentine des colons aveyronnais, tout particulièrement celle des seconde et troisième générations. Une acculturation favorisée par de nombreux facteurs : politique assimilatrice de l'État argentin sous la présidence Sarniento, proximité linguistique, mais également, ici comme ailleurs, rejet plus ou moins conscient des jeunes générations d'un « patois domestique »  jugé incompatible avec la progression sociale dont bénéficient peu à peu la plupart des Pigüenses.

Cartes de l'Aveyron et de Pigüé sur un mur de la ville. Photographie de Jiròni B. CC-BY-SAAvant même la rupture provoquée par la première guerre mondiale entre colons de Pigüe et leurs familles demeurées en France – la réussite affichée par les cousins argentins mais surtout la démobilisation lors du conflit sont alors sources d'amertume - l'occitan va progressivement être abandonné par les Rouergats au profit d'abord du français puis du castillan. Ainsi, si la langue perdure quelques années encore dans la sphère publique, apparaissant çà et là dans la presse locale qui publie ponctuellement mais de plus en plus rarement des textes en occitan (cf. El Independentie du 13 octobre 1901, « Fraire Bourtoumiéu de Louiset »), elle est progressivement reléguée aux grands temps de la vie familiale et fêtes traditionnelles, sans disparaître complètement.

Dans les années 1970, une équipe de chercheurs toulousains se rend à Pigüé pour se pencher sur l'histoire et l'évolution de cette ancienne enclave aveyronnaise en Argentine. L'ancienne colonie est depuis devenue une ville et compte alors près de 12 000 habitants, dont 30 à 40% attestent des origines aveyronnaises. Surtout, près de 90 ans après sa fondation, une grande part de la population de Pigüé parle encore l'occitan (12% - une tranche uniquement composée d'individus de plus de soixante ans) et beaucoup la comprennent (70%).(cf. Les Aveyronnais dans la pampa, fondation, développement et vie de la colonie aveyronnaise de Pigüé de 1884 à 1992, Éditions Privat, Toulouse, 1977, p.265).

Pigüe et la France

Pigüé n'est plus aujourd'hui à proprement parler une enclave occitane ou même française. Les liens entre la France et ses « cousins » d'Amérique, demeurent malgré tout étroits, en dépit de la parenthèse de l'entre-deux-guerres. En 1984, un groupe d'Aveyronnais se rend ainsi à Pigüé pour célébrer les cent ans de sa création par ces colons originaires de leur département, et dont le rôle est aujourd'hui encore inscrit dans la pierre, sur les plaques de rue comme celle de la « C. de Rodez ».

Si les exemples de migrants de pays d'oc installés en Argentine sont légions, Béarnais et Mazamétains notamment, Pigüé demeure un exemple rare d'une colonie occitane organisée au cœur de la pampa.

Mise en ligne : 09/02/2017
Tipe : Comuna

En novembre 2010, une association porte plainte contre la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, au sud de Montpellier : le maire a fait poser des panneaux indiquant le nom de la ville en occitan. Au terme d’un long parcours judiciaire, la cour d’appel de Marseille autorise le 26 juin 2012 Villeneuve-lès-Maguelone à garder sa signalétique bilingue.

Mise en ligne : 03/10/2019
Tipe : Comuna / Data : 2015

L’installation de panneaux de signalisation routière (entrées de communes ou d’agglomération et signalétique directionnelle, à distinguer de la signalétique prescriptive qui indique des interdictions et règles pour la sécurité routière) en occitan, catalan, breton, basque, corse, etc. est une initiative de plus en plus fréquente à l’initiative des collectivités territoriales en charge de ces équipements (la collectivité compétente varie selon le territoire ou le type de voie concernés).
Toutefois, il s’agit d’un usage public de langues dites régionales qui peut être considéré comme contrevenant à la législation et à la réglementation en vigueur en matière de langue officielle sur le territoire français. Enfin, ce type d’équipement doit également répondre à des cadres réglementaires stricts (réglementation et prescription des équipements de signalisation routière).


Signalisation directionnelle bilingue breton-français à Lorient. Photo Iconotèca-CIRDÒC.

1/ Législation et réglementation en vigueur

L’article 2 de la Constitution de la Ve République fait du français « la langue de la République », et donc la seule langue ayant un caractère officiel. De ce fait, l’usage d’une autre langue, en particulier les langues dites « régionales » ou « de France » dans la vie publique se voit régulièrement freiné ou même interdits par les administrations, voire attaqué en justice par des adversaires du « plurilinguisme interne » pour reprendre la terminologie du dernier rapport officiel remis sur la question des langues de France à la Ministre de la Culture et de la Communication en 2013.1
Pourtant, l’article 2 de la Constitution n’interdit pas explicitement l’usage d’une autre langue dans la vie publique du moment où l’usage du français est respecté dans son caractère d’officialité, comme le prouve d’ailleurs les très nombreuses dispositions législatives en faveur de l’usage et de la promotion des langues de France qui ont été élaborées depuis plus d’un demi-siècle sans être jugées anticonstitutionnelles.
Le rapport de 2013 réaffirme que « la législation française [en vigueur] ouvre de larges possibilités juridiques » et que le fameux article 2 de la Constitution « prescrit l’usage du français, mais ne proscrit pas d’autres langues, et notamment les langues régionales. » L’article 2 de la Constitution rend en revanche impossible l’usage d’une langue autre que le français lorsque l’information qui est transmise doit pouvoir être comprise de tous, sans ambiguïté ; soit pour des raisons d’intérêt général (par exemple des raisons de sécurité, c’est le cas de la signalisation routière de type prescriptive), soit parce qu’il s’agit d’énoncer des règles, de notifier une norme de droit, de publier une instruction générale. 

Le cadre législatif de référence permettant la mise en place du bilinguisme dans la signalisation routière est la Loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française. Elle réaffirme le principe constitutionnel à l’article 1 (« en vertu de la Constitution, la langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France. Elle est la langue de l'enseignement, du travail, des échanges et des services publics ») et l’applique en matière de signalétique publique à l’article 3 (« Toute inscription ou annonce apposée ou faite sur la voie publique, dans un lieu ouvert au public ou dans un moyen de transport en commun et destinée à l'information du public doit être formulée en langue française »). La Loi du 4 août 1994 précise cependant à l’article 21 que le statut du français langue officielle ne s’oppose pas à l’usage des langues régionales : « Les dispositions de la présente loi s'appliquent sans préjudice de la législation et de la réglementation relatives aux langues régionales de France et ne s'opposent pas à leur usage. » Autrement dit, ni la Constitution, ni la loi n’interdisent l’usage public des langues régionales même si elles le contraignent et l’encadrent.

Dans le cadre de l’affaire des panneaux occitans de la commune de Villeneuve-lès-Maguelone en 2012, la jurisprudence a confirmé ce cadre législatif permettant l’installation de signalisation routière en occitan ou toute autre langue de France (en dehors de la signalisation prescriptive, c’est-à-dire la signalisation ayant une incidence sur la sécurité routière). L’arrêt du 28 juin 2012 de la Cour d’appel de Marseille qui donne raison à la commune de Villeneuve-lès-Maguelone compile utilement tout le cadre législatif et réglementaire nécessaire à l’installation d’une signalisation routière bilingue.
Consulter l’arrêt : ICI. 

En matière de signalisation routière, la réglementation existante permet donc l’installation de panneaux d’entrée de commune en occitan ou en langue régionale du moment où le panneau en langue française est bien présent, et dans la mesure où cette signalétique respecte les réglementations et normes en vigueur dans ce domaine. Le rapport de 2013 préconise d’ailleurs aux collectivités d’aller plus loin en matière de signalétique afin de promouvoir les langues du territoire dans l’espace public : « En matière de signalisation routière, il conviendrait de permettre la mise en place d’une signalisation routière bilingue, au-delà des panneaux d’entrée et de sortie d’agglomération, pour la signalétique n’ayant pas de valeur prescriptive. Dans les transports publics, la signalétique sonore et la signalisation bilingue des noms de lieux, à l’image de ceux du métro de Toulouse, pourrait être étendue sur les autres réseaux, notamment à la SNCF pour les trains express régionaux. » 

Notons que ce cadre législatif s’applique à de nombreux domaines de l’écrit officiel ou administratif, même si les administrations sont souvent réticentes, davantage par prudence que par application stricte de la législation en vigueur, à l’usage du bilinguisme. Le rapport du Comité consultatif de 2013 détaille ainsi de nombreux domaines dans lesquels le bilinguisme pourrait être appliqué.

2/ En résumé :

Voici un résumé des règles à suivre:

  • Il faut respecter la réglementation officielle en terme de signalisation routière ;
  • Dans ce domaine, une langue régionale ne peut se substituer à la langue française, elle ne peut que la compléter par traduction ; 
  • Sur le plan sociolinguistique et historique, il convient de faire des recherches toponymiques afin de déterminer le nom et l’orthographe, voire de faire appel à des experts en lexicographie et terminologie occitanes de votre territoire. 
  • Il est également recommandé d’informer et d’associer les habitants à votre démarche, afin que la pertinence de celle-ci soit bien comprise et qu’ils se sentent concernés. Le rapport de 2013 est riche en conseils sur les bonnes pratiques à mettre en place dans ce contexte. 

3/ Ressources et outils

L’Institut d’Estudis Occitans a édité en 2013 un guide complet et très utile pour vous accompagner dans votre projet. Les sections départementales et régionales de l’IEO sont également des interlocuteurs souvent très précieux pour vous aider dans votre projet.

Loi n° 94-665 du 4 août 1994 relative à l'emploi de la langue française sur Légifrance : ICI. 


1.Rapport du Comité consultatif pour la promotion des langues régionales et de la pluralité linguistique interne (2013) [en ligne sur le Ministère de la Culture et de la Communication 

Mise en ligne : 16/12/2015