Un jorn la Marineta
Me disiá d'un air coquin
Mon enfant de qu'es aquò la cochilís
Repic:
La cochilís es una bèstia
Una canilha, un parpalhòl
Chuca rasim, chuca protinha
Chuca tot
Mas jamai chuca la marrana
Que nos escana
Nous avons trouvé trace de cette chanson dans un collectage sonore réalisé dans la région de Lodève par Pierre Bec et Eliane Gauzit en 1964. Dans cette enquête aujourd'hui conservée par le COMDT (Voir la notice du collectage sonore sur le catalogue du COMDT), le témoin, Étienne Barral interprète cette chanson qu'il a appris à Béziers alors qu'il était jeune garçon de café.
Elle a également été collectée dans la commune de Lunas (34) par les mêmes enquêteurs, auprès de Jacques Blaye (Voir la notice du collectage sonore sur le catalogue du COMDT).
La cochylis est une chenille qui se nourrit des feuilles et fruits de la vigne. Elle se développe plus particulièrement dans les régions méditerranéennes.
Nous avons tenté d'identifier le ou les auteurs de cette chanson, mais n'avons trouvé aucune occurence pour le moment.
Suite à cette enquête, une transcription de cette chanson a été publiée dans l'ouvrage Lodeva, ciutat occitana, Lodève, cité occitane : patrimoine occitan en Lodévois, contributions groupées et harmonisées par Eliane Gauzit, Toulouse : Presses universitaires du Midi, impr. 2015.
Voici les paroles de la chanson :
L'autre jorn, la gròssa Marièta | L'autre jour la grosse Mariette |
M'espia ambe sos uèlhs coquins ; | Me regarde avec ses yeux coquins |
Me demandèt la voes doceta : |
Elle me demanda d'une voix doucette : |
« de qu'es aquò la cochilís ? ». |
« Qu'est-ce que la cochylis ? ». |
« La cochilís, li responguèri, |
« La cochylis, lui répondis-je, |
Es una bèstia, un parpalhòl, | Est une bête, un papillon |
Doas alas jaunas, doas alas brunas, |
Deux ailes jaunes, deux ailes brunes |
Las patas blancas e lo cuòl gris. |
Les pattes blanches et le cul gris |
Es una garça que s'espandís |
C'est une pie qui s'étale |
Dins nòstra vinha, chuca-rasim, |
Sur notre vigne, suce-raisin |
Chuca-brostinha, chuca sulfata, |
Suce-grapillon, suce-sulfate |
Chuca-sabor e chuca-tot. |
Suce-saveur et suce-tout. |
Mas jamai chuca la marrana |
Mais jamais elle ne suce la maladie (marasme / poisse) |
Que nos escana ». |
Qui nous étouffe ». |
La cochilís, mai d'un l'aganta |
La cochylis, plus d'un l'attrape, |
Tot en tetant un plen sadol | Tout en tétant jusqu'à plus soif |
Aquel bon vin que nos encanta |
Ce bon vin qui nous enchante |
Siague muscat o picapol. |
Qu'il soit muscat ou picpoul. |
Ieu, avant ièr tròp ne tetèri, | Moi, avant-hier, j'en tétai trop, |
Tanben prenguèri la cochilís. | Aussi je pris la cochylis. |
Lo lum dançava, lo nas brilhava, |
La lumière dansait, le nez brillait, |
La pèl susava, lo cuòl pesava, |
La peau suait, le cul pesait, |
Los uèlhs iglauçavan, lo cap virava. |
Les yeux lançaient des éclairs, la tête tournait. |
Se m'aviatz vist, trampoligèri, |
Si vous m'aviez vu, je trébuchais, |
M'espandiguèri, fasiái paissièira |
Je m'affalais, je ruisselais |
Dins lo rajòl, mes aquò rai |
Dans la raie, mais peu importe, |
Es pas un crime, siái pas lo sol, |
Ce n'est pas un crime, je ne suis pas seul, |
Sem una banda |
Nous sommes une bande |
Que teta lo jus de la trelha |
Qui tête le jus de la treille |
Dins la botelha |
Dans la bouteille |
La cochilís es la canilha |
La cochylis est la chenille |
Del malur que sus nautres plòu. |
Du malheur qui pleut sur nous. |
Es la decha que nos espía |
C'est la dèche qui nous regarde |
Quand tanben ela a pas lo sòu. |
Quand avec elle tu n'as pas le sou. |
La cochilís nos envaís, |
La cochylis nous envahit, |
Nos espotís, nos adalís. |
Nous écrase, nous anéantit, |
Jamai fugís dins la borseta. |
Jamais elle ne fuit dans la boursette. |
L'avem sovent un còp per jorn. |
Nous l'avons souvent une fois par jour. |
Sem argentats coma una pala. |
Nous sommes argentés comme une pelle. |
Los deputats l'an pas jamai, |
Les députés ne l'ont jamais ; |
Los electors l'an a molon. |
Les électeurs l'ont à foison. |
Se ieu aicí vene far l'ase |
Si moi ici je viens faire l'âne, |
Ieu siái forçat, mas un vièt d'ase |
J'y suis forcé ; mais une verge d'âne |
S'aviái d'aiçò(t), m'auriatz pro vist. |
Si j'avais ça, vous m'auriez assez vu. |
E ieu tanben, aime la vida |
Car moi aussi j'aime la vie |
La bidòrsaire e lo bon vin |
La «bistronquette» et le bon vin, |
Los escursions, las distraccions |
Les excursions, les distractions |
E los teatres e las femnetas |
Et les théâtres et les petites femmes |
E tot çò z-autres ; de tot aquò |
Et toutes les autres choses ; de tout cela |
Me'n cal brossar, adiussiatz totes, |
Je dois m'en brosser, au revoir à tous |
Ie tornarai e cantarai |
J'y reviendrai et je chanterai |
Tant que la garça de canilha |
Tant que la garce de chenille |
Tendrà l'estrilha. |
Tiendra l'étrille. |
À l’occasion des commémorations du 70e anniversaire de la mort de Jean Moulin, le CIRDOC-Mediatèca occitana, situé sur la même place que sa maison natale, avait proposé un éclairage sur un aspect méconnu de la jeunesse du grand héros de la Résistance à partir d’une sélection de documents conservés dans ses collections.
Hérité de sa famille d’origine provençale, en particulier de son père Émile-Antoine Moulin - familier de Frédéric Mistral et poète de langue d'oc - Jean Moulin demeura toute sa vie durant attaché à la Provence dont il maîtrisait la langue.
« Tous nos ancêtres immédiats provenaient d’une bande de terre de basse Provence, de part et d’autre de la Durance » Laure Moulin, sœur de Jean Moulin1
MOULIN, Laure. Jean Moulin. Paris, presses de la Cité, 1969.↑
[imatge id = 21384] Le père de Jean Moulin, Antoine-Émile Moulin (1857-1938), dit « Antonin » Moulin, est originaire de Saint-Andiol, village des Bouches-du-Rhône, tout comme sa mère, Blanche Pègue.
Antoine est le fils d’une vieille famille de tisserands républicains, Blanche est fille de paysan. Après des études de Lettres, Antoine Moulin est nommé professeur à Bédarieux puis au Collège de Béziers.
Dans le Béziers florissant des dernières années du XIXe siècle, le jeune professeur devient un membre actif des milieux républicains, dreyfusards, laïques et francs-maçons. Antonin Moulin fut à l'initiative du monument au maire Casimir Péret, déporté pour son opposition au coup d'Etat de 1851 et mort lors d'une tentative d'évasion du bagne de Cayenne.
Il est assez loin des acteurs locaux de la Renaissance d'oc, plus conservateurs, qui mènent au même moment, sur l’exemple provençal de Frédéric Mistral et du Félibrige, des actions en faveur de la langue d'oc.
Sans participer activement aux mouvements de défense et promotion de la langue d’oc à Béziers, Antonin Moulin entretient un attachement familial et intime à sa langue maternelle, l’occitan provençal de son Saint-Andiol natal. Il fréquente Frédéric Mistral à qui il rend visite à plusieurs reprises à Maillane. Mistral lui fera rencontrer Alphonse Daudet.
Les Moulin, mère et père, conservèrent toute leur vie des attaches avec Saint-Andiol où résident une grande partie de leurs familles. Les vacances, comme les grands événements de la vie familiale se déroulent tous à Saint-Andiol. Dans son livre de mémoires, Laure Moulin, sœur aînée de Jean, retranscrit ses impressions de voyage vers Saint-Andiol et évoque leur pratique de la langue familiale.
« Quand tout se passait bien, nous prenions le petit train à Barbentane et là nous entrions dans un autre monde. Nous n’entendions plus parler que le provençal, ce qui nous réjouissait, surtout nos parents dont c’était la langue maternelle. Mon frère et moi, élevés en Languedoc, si nous le comprenions très bien, nous le parlions mal. »
Jean Moulin conservera un attachement à la Provence de son enfance et de ses origines, ce dont témoigne le choix de son nom d’artiste - « Romanin » - souvenir d’une excursion familiale au célèbre château éponyme près des Baux-de-Provence et qui signifie « romarin » en langue d'oc. Jean Moulin ne cultiva pas la langue d’oc comme son père. le document le plus émouvant, puisqu'il s'agit d'un personnage si important et célèbre de l'Histoire, est le poème que compose son père à sa naissance : A moun fieu Jan / O moun Janet, moun cago-nis...
Il existe peu de documents faisant état d'une pratique de l'occitan chez Jean Moulin, elle restait occasionnelle, mais réelle. Sur des cartes de voeux apparaissent parfois des formules en langue d'oc, ou au détour de sa correspondance personnelle, quelques mentions de conversations achevées dans la langue familiale nous renseignent sur un Jean Moulin occasionnellement occitanophone.
1/ Texte du poème en provençal écrit par Antonin Moulin pour son fils Jean, âgé de trois mois. (texte extrait de Laure MOULIN, op. cit. et mis en forme pour une exposition)
2/
- Lettre d'Antoine Moulin à Roger Barthe (1911-1981), écrivain occitan et félibre biterrois, membre du parti radical comme Antonin Moulin - 17 juillet 1934
- Dédicace en occitan d'Antonin Moulin à Emile Barthe pour le féliciter de son titre de Majoral du Félibrige
(CIRDOC-Fonds Barthe)
3/ Poème-dédicade d'Antonin Moulin à Frédéric Mistral publié dans La Santo Estello, journal paru à l'occasion des fêtes félibréennes de la Sainte-Estelle à Béziers (24 et 25 mai 1902)
S’il est connu, c’est surtout pour la mystique qu’on lui attache : tour à tour chant cathare, complainte du peuple occitan face à la barbarie de la Croisade contre les Albigeois, chant de la paysannerie médiévale attachée à sa terre…
De nombreuses interprétations de ce chant existent mais les véritables études sont assez rares par rapport au grand nombre de versions du Boièr.
Eliane Gauzit et Marie-Claire Viguier ont toutes deux étudié l’ensemble des versions connues de ce chant et ont tenté de remonter à ses origines.
Le Boièr est-il vraiment le chant cathare que l’on décrit ?
La première fixation à l’écrit qui nous soit parvenue remonte à 1749 dans un manuscrit en francoprovençal (mentionné par Philibert Le Duc (1815-1884) dans Chansons et lettres patoises bressanes, bugeysiennes et dombistes…). Nous savons aussi par des témoignages que cette chanson était présente durant la Révolution Française : Auguste Fourès (1848-1891), atteste en effet que le chant était entonné au sein des sociétés républicaines du Lauragais comme appel patriotique. Il était interprété par les membres de la garde nationale mobile de l’Aude comme chant de ralliement lors de la guerre de 1870 puis en 1907 en signe de deuil à Béziers lors de la Révolte des Vignerons.
C’est à partir du XIXe siècle que l’on a d’autres attestations de ce chant dans les recueils des folkloristes français. Lo Boièr figure dans presque tous les recueils publiés à cette époque-là, attestant de sa présence sur tout le territoire français, avec un plus grand nombre d’occurrences dans les territoires occitans.
En tout, Patrice Coirault (1875-1959) - qui a élaboré un catalogue de toutes les chansons traditionnelles recueillies par les folkloristes et des sources écrites anciennes - recense des versions de ce chant réparties dans 51 recueils de chants différents.
Les folkloristes classent Lo Boièr dans les chants de travail, y voyant un appel aux bœufs, ou encore dans les chants satiriques, dépeignant la femme mal mariée au bouvier croulant sous son dur labeur.
La plupart des folkloristes ont recueilli une forme classique de ce chant, bâtie sur le modèle de l’homme qui rentre chez lui et trouve sa femme malade ou saoule, un motif littéraire qui peut rappeler une autre chanson-type : Marguerite elle est malade (ou La femme malade).
Le thème de l’enterrement à la cave qui est présent dans les deux chansons-types est un thème récurrent dans les airs bachiques, que l’on retrouve notamment dans Les Chevaliers de la Table Ronde.
La plupart des enregistrements sonores recueillis au cours du XXe siècle, nous laissent eux entendre des interprétations du Boièr avec un rythme accentué, apparenté à un chant de marche, plutôt joyeux et loin de la complainte ou du chant mystique cathare.
Pourtant, aujourd’hui, l’interprétation la plus répandue de ce chant est celle de la complainte cathare, le schéma narratif du Boièr correspondant au rituel cathare. On peut effectivement voir dans les paroles le récit d’un rituel cathare : la paysanne meurt en Endura, demande du vin pour sa tombe, pour recevoir le consolament d’un bonshommes itinérant.
C’est Napoléon Peyrat (1809-1881) qui fait le premier cette interprétation mystique dans son Histoire des Albigeois1. Ce discours est ensuite repris par Louis-Xavier de Ricard (1843-1911) et Auguste Fourès (1848-1891), qui continuent à forger la mystique cathare du chant et à en faire un symbole identitaire occitan.
Avant Napoléon Peyrat, le chant semble vu comme un simple chant de labour, qui aurait évolué avec l’intégration de couplets de chants bachiques ou de mal mariée mais aucune référence claire ni interprétation à une quelconque mystique cathare. Il semble que Napoléon Peyrat, en l’interprétant comme un tableau des malheurs de la paysannerie occitane durant la Croisade contre les Albigeois ait contribué à faire encore évoluer Lo Boièr et son retentissement dans la mémoire collective, transformant ce chant traditionnel en objet de perpétuation du mythe cathare.
Outre sa signification, et son interprétation mystique, la chanson du Boièr a déclenché de très nombreuses polémiques à propos de son refrain, et plus particulièrement la suite de voyelles A.E.I.O.U. qu’il contient. Or, cette suite de voyelles ne figure pas dans toutes les versions collectées au XIXe siècle, elles ont par contre été systématiquement intégrées dans les recueils de chants et versions écrites au XXe siècle, notamment dans les recueils de chants pour les scolaires et appris tel quel par toute une génération d’écoliers.
Cet emploi d’une suite de voyelles dans une chanson traditionnelle n’est pas une exception, on la retrouve dans de nombreux chants énumératifs sur tout le pourtour méditerranéen.
Pour autant, les théories sur la signification de ces voyelles abondent : message codé utilisé par les cathares pour avertir d’un danger, monogramme de la devise des Rois d’Aragon ou encore des Habsbourg (Austria Est Imperare Orbi Universum)... Depuis l’Antiquité on attribue à ces voyelles une portée mystique importante qui n’a cessé d’évoluer au cours des siècles et n’a pas manqué de nourrir les interprétations de cette chanson.
Certaines versions collectées contiennent en lieu et place d’ “A.E.I.O.U.” un simple appel au bœuf. Pour Marie-Claire Viguier, cette suite de voyelles peut également faire référence au briolage, technique de vocalise propre aux bouviers.
Aucun document ne nous permet de savoir depuis quand ces voyelles figurent dans le refrain de la chanson, si elles existent depuis les origines lointaines du Boièr ou si elles ont été rajoutées par la suite.
Ainsi, Lo Boièr, revendiqué aujourd’hui comme un chant de célébration de l’identité occitane appartient indéniablement au répertoire traditionnel des territoires occitans, transmis oralement depuis des générations et fixé à l’écrit dès le XVIIIe siècle. Chant de labour, chant patriotique, chant cathare, il semble avoir traversé les siècles, évoluant dans l’inconscient collectif selon les époques, événements, mouvements de pensées et inspiration, chargé de nombreuses transformations, emprunts et adaptations, permettant de multiples interprétations.
1) Peyrat Napoléon, Histoire des Albigeois : les Albigeois et l’Inquisition, T. III, Paris : Bibliothèque Internationale, 1870.
Consultable en ligne sur le site de la Bayerische Staatsbibliothek de Munich : http://reader.digitale-sammlungen.de/en/fs1/object/display/bsb11006148_00392.html?contextType=scan&zoom=0.5
[Consulté le 03/08/2017]
1/ Les Archives de la parole
Les projets de « panthéons sonores » de personnalités célèbres voient le jour dès la fin du XIXe siècle alors que se développent les techniques d'enregistrements. En 1899, une première institution chargée de constituer des fonds d'archives sonores est créée avec les Phonogrammarchiv de l’Académie autrichienne des sciences (Österreichische Akademie der Wissenschaften)
En savoir + : voir les fonds occitans du Phonogrammarchiv de Vienne référencés dans le Répertoire du patrimoine culturel occitan
En France, Alfred Ponge projette vers 1904 la création d'un musée phonographique et réalise ses premiers enregistrements, parmi lesquels celui de Frédéric Mistral, alors lauréat du prix Nobel, récitant quelque vers de son chef-d’œuvre en provençal Mirèio. L'enregistrement de Frédéric Mistral, comme l'ensemble des cylindres d'enregistrement de Ponge, ont malheureusement disparu. Voir l'article consacré à ce sujet dans Occitanica
Il faut attendre 1911 pour qu'une institution dédiée à la création et la sauvegarde d'archives sonores soit créée en France, à la Sorbonne. Ce sont les "Archives de la parole", dirigées par le grammairien et historien de la langue française Ferdinand Brunot dans le cadre du projet d'Institut de phonétique de l'Université de Paris. Il bénéficie du soutien de l'industriel Émile Pathé qui dote les Archives de la parole d'un corpus d'enregistrements et surtout de matériels nécessaires à la réalisation d'enregistrements sur disque plat.
À l'instar du Phonogrammarchiv de Vienne, que Ferdinand Brunot a visité en 1910, les Archives de la parole vont produire leur propre documentation par des campagnes d'enregistrements sonores en studio et sur le terrain. Trois-cents enregistrements sont réalisés entre 1911 et 1914, répartis entre les différentes sections de l'institution :
O – Orateurs : enregistrements de grands orateurs contemporains et voix célèbres ;
L – Langues : enregistrements des langues étrangères et méthodes de langues ;
M – Maladies : enregistrements liées aux pathologies de l'expression et de l'audition ;
D – Dialectes : enregistrement des dialectes du monde, en particulier les langues et dialectes de France
2/ La section D : Enregistrements dialectaux des Archives de la Parole
Ferdinand Brunot, ancien élève du philologue Gaston Paris, puis collaborateur du chartiste médiéviste Léon Clédat, s'intéresse tout particulièrement à la dialectologie, discipline en vogue à la fin du XIXe siècle et qui a donné lieu à la publication du monumental Atlas linguistique de la France de Jules Gilliéron et Edmond Edmont.
Cet atlas a été dirigé par J. Gilliéron à partir d'enquêtes par questionnaire menées sur le terrain par E. Edmont entre 1897 et 1901, couvrant 639 localités du domaine gallo-roman. Prenant l'enquête écrite pour modèle, Ferdinand Brunot envisage un ambitieux chantier d'enquêtes sonores sur douze ans prévoyant 15'000 disques d’enregistrements couvrant 2'500 localités à visiter. De ce projet inabouti « d'Atlas linguistique phonographique de la France », seules trois missions sont menées en 1912-1913 par les Archives de la Parole : juin-juillet 1912 dans les Ardennes franco-belges ; juin 1913 dans le Berry ; août 1913 en Limousin.
Fonds clos.
Le fonds de l'Enquête phonographique en Limousin est constitué de 72 enregistrements sonores sur 48 disques plats Pathé Saphir de 30 cm de diamètre réalisé par Ferdinand Brunot entre le 22 juillet et le 30 août 1913 en Corrèze dans le cadre des activités des Archives de la Parole (Université de Paris) et d’un projet inabouti d'Atlas linguistique phonographique de la France. Chaque disque est accompagné d'une fiche d'enquête qui documente sur l'identité du locuteur.
Itinéraire de l’Enquête phonographique en Limousin
1913
occitan
48 disques + fiches d’enquêtes
Disques (90 t, saphir)
AP
> Répertoire national des bibliothèques et fonds documentaires (RNBFD)
Description générale du fonds des Archives de la parole.
http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/index_view_direct_anonymous.jsp?record=rnbcd_fonds:FONDS:730
> BnF - Archives et manuscrits : inventaire complet du sous-fonds [Enquête phonographique en Limousin] http://archivesetmanuscrits.bnf.fr/ead.html?id=FRBNFEAD000078617
> BnF - Catalogue général : notices des documents constituant l’[Enquête phonographique en Limousin]
http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb413012180/PUBLIC
Disques originaux, archives papier et photographiques non communicables (sauf autorisation du Service des documents sonores du Département de l'Audiovisuel).
Originaux numérisés consultables librement en ligne (Gallica)
Reproduction (partielle ou intégrale) soumise à autorisation écrite (Département de l'Audiovisuel, Service des documents sonores).
www.bnf.fr
Carnaval arriba e amb el aquesta Seleccion novèla dels bibliotecaris e de las bibliotecàrias del CIRDÒC !
Avís a totes los curioses e a totas las curiosas de la fèsta, de l'intriga, de la musica, de la dança etc.
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Votre question : Quelle est la signification du mot « Paratge » ?
Le terme d'ancien occitan « paratge » est relativement fréquent dans la poésie des troubadours où il revêt tour à tour le sens premier de « noblesse de sang » et le sens plus original de « noblesse de cœur » ou « de mérite ». Il est surtout connu par son emploi dans la Canso de la Crozada (ou « Chanson de la Croisade contre les Albigeois », XIIIe siècle), dont il représente la valeur centrale et qui continue de fasciner de nombreux auteurs contemporains pour son sens « patriotique ». La redécouverte du texte de la Canso au XIXe siècle – dans le contexte de l'éveil des nationalités en Europe et des premiers mouvements renaissantistes occitans – et surtout dans la seconde moitié du XXe siècle, a rendu le terme paratge très courant dans les discours occitanistes et chez les écrivains et artistes d'expression occitane.
Le terme est réputé « intraduisible »1. Il donne lieu à des interprétations qui en ont fait évoluer le sens2. Paratge n'aurait donc pas d'équivalent dans d'autres langues : soit parce que le concept incarne les valeurs spécifiques à la civilisation occitane du Moyen Âge (définition idéologique), soit parce qu'il s'agit d'une invention littéraire liée à une œuvre en particulier (définition historique).
Si le terme échappe à une définition claire – ou du moins unique – c'est qu'il connaît une évolution dans son emploi. En partant des sources littéraires, le terme occitan est, à l'origine, assez proche du français « parage »3 avec lequel il partage l'étymologie latine par- (= pair, égal). Mais son emploi littéraire par les troubadours occitans fait évoluer le paratge occitan de façon originale : de qualité de naissance, le terme évolue dans sa signification pour désigner une vertu morale, celle de « noblesse d'âme » pourrait-on dire.
Enfin, une œuvre particulière – tardive sur le plan de la littérature courtoise occitane et à bien des égards exceptionnelle dans l'histoire de la littérature occitane du Moyen Âge –, la Canso de la Crozada (deuxième partie du texte, dite de l'Anonyme ou du Continuateur) utilise le terme paratge à une fréquence extraordinaire dans le poème. S'il désigne la qualité morale essentiellement attachée au jeune comte de Toulouse, paratge est également utilisé comme allégorie de la ville et de ses habitants, voire en valeur universelle. De façon surprenante, le poème du XIIIe siècle revêt une connotation patriotique pour ses lecteurs du XIXe et XXe siècle. Dans la Canso, le comte de Toulouse, son allié le roi d'Aragon, la chevalerie languedocienne en général, puis la population tout entière semblent se battre pour paratge érigé en valeur suprême et partagée.
Plus qu'un concept moral qu'il serait difficile de définir tant son emploi varie dans le poème, le terme devient davantage une forme « d'étendard ». La redécouverte et les interprétations patriotiques, voire identitaires, du poème de la Canso eurent une grande influence sur l'ensemble des mouvements de renaissance culturelle ou de revendication occitans (Félibrige, occitanisme d'après-guerre ou contemporain). Il est aujourd'hui courant dans le discours des promoteurs de la langue occitane au même titre que convivencia ou larguesa qui connaissent toutefois des origines et des significations distinctes mais font écho aux thèmes de vivre-ensemble, de laïcité, de tolérance.
François-Just-Marie RAYNOUARD, Lexique roman : ou dictionnaire de la langue des troubadours..., à Paris, chez Silvestre, tome quatrième, 1842 :
« PARATGE, s. m., parage, extraction, rang, qualité. »
Paul FABRE, Petit dictionnaire de la littérature occitane du Moyen-Age : auteurs, œuvres, lexique, Montpellier, Centre d'études occitanes, 2006, Lo Gat Ros :
« En ancien occitan, ce mot signifie 'noblesse, haute naissance' ; il désigne aussi l'ensemble des nobles. Dans la langue des troubadours, il a pris également le sens de 'noblesse de cœur' ».
Charles ROSTAING, « Le vocabulaire courtois dans la deuxième partie de la « Chanson de la Croisade des Albigeois », dans Mélanges de linguistique, de philologie et de littérature offerts à Monsieur Albert Henry, Strasbourg, 1970 :
« Le sens de paratge est donc très clair : de l'idée de 'famille noble' on est passé à celle de 'noblesse', d'abord la noblesse de la naissance, puis celle de l'esprit ou de l'âme : c'est dans cette dernière acception que le mot est pris dans la Chanson. »
Linda PATERSON, Le Monde des troubadours : la société médiévale occitane de 1100 à 1300, Montpellier, Les presses du Languedoc, 1999 :
« Paratge constitue évidemment l'éthique dominante du poème, et il y a fort peu d'exemple d'ailleurs que le concept de chevalerie transcende son aspect purement fonctionnel et militaire ; au contraire, ici la chevalerie semble prendre une valeur éthique. La meilleure définition de Paratge est peut-être ici le droit à son propre héritage : un droit qui n'est pas seulement celui d'un lignage noble, mais aussi de toute une société. L'éthique consiste à lutter pour ses droits propres et ceux de ses alliés, une différence notable avec l'éthique du vasselage dans les sources françaises de Flori. »
Robert LAFONT, La geste de Roland, tome 2 : Espaces, textes, pouvoirs, Paris, l'Harmattan, 1991 :
« Étymologiquement paratge est formé sur par 'égal'. Il marque l'entente d'hommes qui se reconnaissent égaux entre eux. Le terme est d'origine aristocratique : il est apparu entre personnes 'de haut parage'. Il désigne la noblesse de sang et par suite d'âme. Mais il n'est pas généralement une qualité morale spécifique qui envahit la société, l'organise, lui donne un sens. Ce qu'il devient dans la seconde partie de la Chanson de la Croisade. »
Robert LAFONT, Prémices de l'Europe, Arles, Sulliver, 2007, Coll. Archéologie de la modernité :
« C'est donc une valeur d'abord aristocratique, mais si elle signifie une égalité de rang en une classe, c'est dans la mesure où l'âme mérite la naissance. On reconnaît là l'idéal de la chevalerie dans sa pureté conquise, accessible à tout homme qui consacre sa vie à le servir. »
Miquèla STENTA, Larguesa : un art du don dans l'Occitanie médiévale, Montpellier, CRDP de l'Académie de Montpellier, 2011.
« Paratge, c'est la noblesse de rang et d'esprit qui, dans ce cas, n'exclut pas la reconnaissance par le mérite, comme pairs, d'hommes d'origine humble. »
Miquèla STENTA, Les valeurs de la société de Cortesia : en pays d'Oc aux XIIe et XIIIe siècles, Meuzac, lo Chamin de Sent-Jaume, 2011. (à propos du concept de paratge dans le poème de la Canso)
« Si paratge est cette noblesse de cœur, il est aussi un sentiment patriotique-national. (…) On se bat pour le défendre ou le rétablir ; il représente toute une civilisation. Il faut sauver paratge comme une patrie. »
Eliza MIRUNA GHIL, L’Âge de Parage : essai sur le poétique et le politique en Occitanie au XIIIe siècle, New York-Bern-Frankfurt am Main-Paris, Peter Lang, 1989.
« Le terme de 'paratge' appartient à l'origine au vocabulaire du droit vassalique et nomme l'institution féodale qui règle l'héritage et le morcellement des fiefs. Il s'emploie, par exemple, pour préciser les obligations du fils aîné dans la famille noble à l'égard de son seigneur et de ses frères cadets. Dans la poésie courtoise le terme prend des connotations plus générales de valeur personnelle – par exemple, lorsqu'il est employé pour décrire la dame aimée dans la canso d'amour, qui est alors 'de gran paratge', 'd'aut paratge' ou lorsqu'il est employé par référence au sujet lyrique, dans le cas d'une trobairitz ('mos paratges', dit la comtesse de Dia). Il peut s'appliquer aussi, dans le sirventes, aux membres de la société courtoise qui partagent les valeurs morales chères aux troubadours et qui reçoivent l'appellation de 'om de paratge'. Cette qualité n'est pourtant pas considérée comme essentielle, car c'est la noblesse de cœur (surtout amoureux) qui fait la valeur de l'individu et non pas celle de naissance. La fin'amor promeut ainsi, aux yeux d'une société différenciée hiérarchiquement, la possibilité morale d'une 'méritocratie'. »
Qu'elles soient réellement fantasmées par les auteurs ou pensées dans l'idée légitime de bâtir une culture occitane contemporaine à partir de son héritage littéraire, les définitions que nous appelons par commodité « idéologiques » - sans jugement de valeur - affirment l'existence du concept de « paratge » au sein d'une partie de la société contemporaine, le terme fonctionnant comme un lieu de mémoire. Le terme est à ce titre fréquent dans la création artistique (littéraire, musicale, etc.). Parmi cette production idéologique, on peut signaler le texte célèbre de la philosophe Simone Weil : « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique » publiée en 19434.
Émile NOVIS (pseudonyme de Simone WEIL), « L'agonie d'une civilisation », dans Le Génie d'oc et l'homme méditerranéen : études et poèmes, les Cahiers du Sud, 1943 :
« Le poète de Toulouse [l'auteur anonyme de la deuxième partie de la Canso] sent très vivement la valeur spirituelle de la civilisation attaquée ; il l'évoque continuellement ; mais il semble impuissant à l'exprimer, et emploie toujours les mêmes mots, Prix et Parage, parfois Parage et Merci. Ces mots, sans équivalents aujourd'hui, désignent des valeurs chevaleresques. Et pourtant, c'est une cité, c'est Toulouse qui vit dans le poème, et elle y palpite tout entière, sans aucune distinction de classes. Le comte ne fait rien sans consulter toute la cité, 'li cavalier el borgez e la cuminaltatz', et il ne lui donne pas d'ordres, il lui demande son appui ; cet appui, tous l'accordent, artisans, marchands, chevaliers, avec le même dévouement joyeux et complet. C'est un membre du Capitole qui harangue devant Muret l'armée opposée aux croisés ; et ce que ces artisans, ces marchands, ces citoyens d'une ville – on ne saurait leur appliquer le terme de bourgeois – voulaient sauver au prix de leur vie, c'était Joie et parage, c'était une civilisation chevaleresque. »
Fernand Niel, Albigeois et cathares, Paris, Presses universitaires de France, 1955, Que sais-je ?
« Paratge (signifie) honneur, droiture, égalité, négation du droit du plus fort, respect de la personne humaine pour soi et pour les autres. Le paratge s'applique dans tous les domaines, politique, religieux, sentimental. Il ne s'adresse pas seulement à une nation ou à une catégorie sociale, mais à tous les hommes, quelles que soient leur condition et leurs idées. »
Paul OURLIAC, « Réalité ou imaginaire : la féodalité toulousaine », dans Religion, société et politique : mélanges en l'honneur de Jacques Ethel, Paris, Presses universitaires de France, 1983 :
« L'unité du Languedoc existe par sa langue mais plus encore dans cette communauté d'idéal qu'exprime le « Paratge » : un idéal qui est fait de loyauté, d'équité, de fidélité, de respect du droit, tout ce qui oppose le Midi aux chevaliers croisés. »
Yves DOSSAT, « La croisade vue par les chroniqueurs », dans Paix de Dieu et Guerre sainte en Languedoc au XIIIe siècle, Toulouse, Privat, Cahiers de Fanjeaux, n° 4, 1969.
« L'auteur de la seconde partie de la Chanson est un adversaire résolu de la croisade et pour tout dire un partisan. Bien qu'il ne l'exprime pas ouvertement, il n'est certainement pas loin d'admettre que les croisés sont des suppôts de Satan. Pour traduire sa pensée, le continuateur introduit dans la Chanson des allégories qui représentent les qualités et les vertus des uns, les vices et les tares des autres.
D'un côté se trouvent Paratge, la noblesse d'âme, le sentiment de l'honneur, les vertus d'un cœur généreux, inséparable de Pretz, le mérite personnel, qu'accompagnent le bon droit, Dreitz, la justice de la cause, Dreitura, la loyauté, Lialtatz. De l'autre l'orgueil, Orgolhs, l'esprit de démesure, Desmesura, la fourberie, Engans, la mauvaise foi, Falhimens. »
Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme.
« En face [de l'Historia albigensis de Pierre des Vaux-de-Cenay], il y a la Chanson de la croisade, tout aussi engagée, surtout dans sa seconde partie, rédigée en occitan vers 1228 et qui est en fait un appel aux sujets du comte de Toulouse, au moment du dernier grand choc avec les croisés de Louis VIII. Ici encore, il serait vain d'attendre de notre auteur trop de nuances : les croisés sont des imposteurs et des usurpateurs, à l'ambition démesurée. Les seigneurs occitans, et notamment le jeune comte Raimond VII, représentent les valeurs courtoises – l'intraduisible Paratge par exemple – valeurs proposées à toute une population en guide d'idéologie « nationale » : l'état des liens féodo-vassaliques en pays d'oc ne permettant pas au poète-popagandiste de jouer uniquement de cette corde ('Nous suivons le comte parce qu'il est notre seigneur'), il faut compléter : 'Nous le suivons parce qu'il respecte les usages et valeurs du pays, et que ceux d'en face ne les suivent pas.' »
La Concordance de l'Occitan médiéval5 permet d'effectuer des recherches lexicales dans l'ensemble du corpus des textes littéraires en ancien occitan (corpus des Troubadours, corpus des textes narratifs en vers). La COM relève plus de 200 occurrences du terme paratge dans le corpus littéraire en ancien occitan (par comparaison « prètz » a plus de 2'300 occurrences sur le même corpus, larguesa ou dreitura, une centaine). À noter que le terme paratge apparaît 48 fois dans la seule Canso de la Crozada.
Assez fréquent chez le troubadours sans représenter pour autant une valeur centrale, l'expression « de (bon) paratge » désigne la qualité de naissance de la dame noble du poème au même titre que « de bon aire » ou « de bon linhatge ». Il s'applique de même pour qualifier la noblesse d'un chevalier, et par extension, la famille noble, la noblesse. Il prend également chez certains troubadours le sens de noblesse de cœur et de mérite. Il est surtout le concept essentiel de la Canso de la Crozada ou il peut désigner le comte de Toulouse et ses alliés, être une allégorie de la ville de Toulouse, résumer l'ensemble des valeurs morales positives à défendre et « à restaurer » face aux croisés.
Comtesse de Dia
Valer mi deu mos prètz e mos paratges
E ma beutatz, e plus mos fis coratges
« Mon mérite, ma haute naissance, ma beauté et plus encore mon cœur fidèle doivent me faire valoir. »
Girard de Roussillon
N'a baron chevaler de nul parage
N'i aie perdut home de son lignage
« Il n'y a pas de noble chevalier d'aucune famille qui n'ait perdu [dans la bataille] homme de sa parenté »
Guiraut de Bornelh
Mot era dous e plazens
lo temps gay cant fon eslitz
paraties, et establitz ;
que.ls drechuriers conoissens
lials, francx, de ric coraties
plazens, larcx, de bona fe
vertadiers, de gran merce
establi hom de paratie
per cui fo servir trobatz
cortz e domneis e donars
amors et totz benestars
d'onor e gran drechura
« Il était doux et plaisant le temps joyeux où la noblesse fut choisie et créée ; car paratge fut conféré à ceux qui étaient justes et sages, loyaux, francs, au cœur noble, plaisants, généreux, de bonne foi, sincères, compatissants. C'est grâce à de tels hommes qu'on été inventés le service courtois, le domnei, la largesse, l'amour et toutes les coutumes agréables, selon l'honneur et le droit. »
Dans l'Ensenhamen d'Arnaut de Mareuil
Li borzes eissamens
An pretz diversamens ;
Li un son de paratge
E fan faitz d'agradatge
« Les bourgeois, de même, ont du prix diversement, les uns sont de grande famille, et agissent de manière agréable. »
La Vida de Peire Cardenal
Peire Cardinal si fo de Veillac, de la siutat del Puei Nostra Domna ; e fo d'onradas gens de paratge, e fo filz de cavallier e de domna...
« Pierre Cardenal était du Velay, de la cité du Puy-Notre-Dame ; il était d'une honorable famille de la noblesse, fils d'un chevalier et d'une dame... »
Canso de la Crozada : discours par lequel le troubadour Gui de Cavalhon accueille le jeune comte de Toulouse sur le chemin d'Avignon (laisse 154, vv.6-17)
Mons Guis de Cavalhon desobr'un caval ros
A dig al comte jove : « Òimais es la sasos
Que a grands òbs Paratges que siatz mals e bos, Car lo coms de Montfòrt que destrui los baros
E la Glèisa de Roma e la predicacios
Fa estar tot Paratge aunit e vergonhós,
Qu'enaissí es Paratges tornats de sus en jos
Que si per vos no.s lèva per tostemps es rescos.
E si Prèsts e Paratges no.s restaura per vos,
Doncs es lo mòrts Paratges e tots lo mons en vos,
E pòs de tot Paratge ètz vera sospeiços,
O tots Paratges mòria o vos que siats pros ! »
« Messire Gui de Cavalhon, monté sur un cheval roux, / a dit au comte jeune : « Voici le moment / où Paratge a besoin que vous soyez belliqueux et brave, / car le comte de Montfort qui détruit les barons / et l'Eglise de Rome et ses prédicateurs / couvrent Paratge de honte et d'ignominie / au point que Paratge est tellement tombé à la renverse / que s'il ne se redresse pas grâce à vous, il disparaîtra pour toujours. / Et si vous ne restaurez pas Mérite et Paratge / alors, par votre faute, sont morts Paratge et tout l'univers ; / et puisque de tout Paratge vous êtes la véritable espérance, / il faut que tout Paratge meure ou que vous soyez vaillant »
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1. Philippe MARTEL, Les cathares et l'histoire : le drame cathare devant ses historiens : 1820-1992, Toulouse, Privat, 2002, coll. Catharisme. ↑
2. Sur l'évolution de l'interprétation de la Canso de la Crozada au XIXe et au XXe siècle, voir Philippe MARTEL, op. cit. : « Pour Mary-Lafon et Peyrat, les valeurs de la civilisation occitane médiévale existaient d'abord par leur caractère démocratique et progressiste : elles annonçaient celles qui triomphent en France après la Révolution. Chez nos auteurs du XXe, ce caractère démocratique est second. Joi et Paratge définissent une éthique abstraite, pas un comportement social. Et surtout, ces valeurs sont immanentes, ancrées presque biologiquement dans l'homme d'oc, et échappent donc à l'histoire. »↑
3. « Qualité, extraction, haute naissance. » (TLFI) ; la parage est également un concept de droit féodal réglant les partages entre aînés et puînés.↑
4. « La civilisation qui constitue le sujet du poème n'a pas laissé d'autres traces que ce poème même, quelques chants de troubadours, de rares textes concernant les cathares, et quelques merveilleuses églises. Le reste a disparu ; nous pouvons seulement tenter de deviner ce que fut cette civilisation que les armes ont tuées, dont les armes ont détruit les œuvres. Avec si peu de données, on ne peut espérer qu'en retrouver l'esprit ; c'est pourquoi, si le poème en donne un tableau embelli, il n'en est pas par là un moins bon guide ; car c'est l'esprit même d'une civilisation qui s'exprime dans les tableaux qu'en donnent ses poètes. (...) Chaque civilisation, comme chaque homme, a la totalité des notions morales à sa disposition, et choisit. (...) Si l'intolérance l'emporta, c'est seulement parce que les épées de ceux qui avaient choisi l'intolérance furent victorieuses (...) L’Europe n'a plus jamais retrouvé au même degré la liberté spirituelle perdue par l'effet de cette guerre. »↑
5. Peter T. RICKETTS (éd.), Concordance de l'Occitan médiéval : Les troubadours. Les textes narratifs en vers [CD ROM], Brepols.↑
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