« Jean-Baptiste Poquelin est né à Paris, Molière est né à Pézenas ». Marcel Pagnol.
Molière était déjà Molière (il adopte le pseudonyme dès 1644) quand l'échec de sa première compagnie parisienne l'entraîne sur les routes de France aux côtés de la compagnie de Charles Dufresne. Ses pas le conduisent bientôt à Pézenas en Languedoc, ville des Montmorency, grande famille de France et gouverneurs du Languedoc qui l'ont élue pour capitale.
Par ailleurs ville d'États (les États généraux s'y regroupent à diverses occasions sous l'Ancien Régime), Pézenas connaît alors un véritable renouveau. Après le coup d'arrêt impulsé par l'exécution d'Henri II de Montmorency, cette ville traditionnellement active et riche (elle est ville de foires drapières depuis le Moyen Âge) retrouve en effet un second souffle avec l'installation en ses murs d'Armand de Bourbon-Condé, héritier du comté de Pézenas.
De son vrai nom Jean-Baptiste Poquelin, Molière grandit dans le milieu bourgeois d'une famille de tapissiers parisiens. Le jeune homme se détourne toutefois de la vocation paternelle et fait le choix des arts, rejoignant dès 1653 la troupe de l'"Illustre Théâtre" où il rencontre les Béjart, notamment Madeleine. L'échec de cette première compagnie pousse le jeune Molière et ses compagnons à prendre le chemin de la province en compagnie de la troupe de Charles Dufresne. C'est le début de treize années passées sur les routes de France, loin de la capitale. Ses pérégrinations le conduisent en Languedoc, auprès du Prince de Conti.
Descendant des Montmorency par sa mère, Charlotte-Marie, sœur d'Henri II de Montmorency, le jeune prince de sang (les Condé sont une branche cadette des Bourbons) a trouvé refuge sur les terres familiales à la suite de la Fronde des princes (1650-1653). Le Prince de Conti, devenu gouverneur du Languedoc en 1661 à la mort de Gaston d'Orléans, a installé sa cour à la Grange des Prés à Pézenas, et recherche pour celle-ci des divertissements. En 1653, Molière et sa troupe obtiennent faveur et pension du prince au détriment de la troupe de Courtier. Le jeune comédien qui en est encore aux balbutiements de sa carrière, a déjà effectué à cette date plusieurs séjours dans la région entre le 24 octobre 1650 et le 14 janvier 1651, et reviendra encore dans cette ville quelques années plus tard entre 1655 et 1656. La date de 1653, et le soutien affiché du gouverneur du Languedoc, constitue toutefois un tournant pour ceux devenus les « Comédiens des États de Languedoc et de S.A.R. (Son Altesse Royale) Le Prince de Conty ». Cet illustre patronage facilite dès lors le travail des comédiens qui obtiennent plus facilement l'autorisation des consuls de la Région pour réaliser dans leur ville des représentations théâtrales, art et profession décriés.
La troupe enchaîne alors les représentations chez le Prince, les nobles piscénois et dans les villes de la région, se mêlant parfois à la population locale. La tradition prête ainsi à Molière des habitudes dans le salon de coiffure du barbier de Pézenas, le dénommé Géli, dont la maison se dresse toujours place de l'ancien hôtel de ville. Là, l'auteur en résidence se serait assis sur un grand fauteuil de bois aujourd'hui présenté dans les collections du musée de la ville, le musée Vulliod-Saint-Germain, tirant son inspiration des petites scènes du quotidien qui s'y jouaient.
Le soutien princier perdure jusqu'en 1655, date à laquelle l'ancien libertin que fut Conti opère une conversion radicale, rejetant les plaisirs et mœurs de sa jeunesse pour une vie plus austère et conforme aux principes de la religion. Dès lors le Prince, empreint de remords, se détourne du théâtre ; pire, il en devient l'ennemi déclaré. Du jour au lendemain, Molière se trouve alors sans appointements ni protecteur, dans une région où le théâtre n'est plus en odeur de sainteté. Après un vraisemblable dernier passage dans la ville en 1657, le comédien s'éloigne de cette province. Elle demeure toutefois étroitement liée à son œuvre.
Les années d'errances du comédien hors de la capitale, demeurent aujourd'hui encore sources de réflexions pour les historiens, faute d'une historiographie et de sources conséquentes en ce domaine. Le passage de Molière à Pézenas, comme ailleurs, fait l'objet d'interrogations et s'accompagne de nombreuses historiettes à l'authenticité plus ou moins avérée.
Après des dizaines d'années de quasi oubli, la fin du XVIIIe siècle et surtout le XIXe siècle se révèlent "moliéristes", tout particulièrement à Pézenas s'appuyant sur les années du comédien à la cour du Prince de Conti. De passage dans la ville en 1750, l'auteur dramatique puis académicien Cailhava, enregistre le premier les récits autour de la présence de Molière à Pézenas, notant l'importance du Languedoc dans l'œuvre du comédien. (publication en 1802 des Études sur Molière, Paris, Éd. Debray). Emmanuel Raymond (Galibert) reprend par la suite la foule d'anecdotes recueillies par Cailhava mais jamais publiées, prenant pour cadre la boutique du perruquier et les échoppes voisines.
Le comédien y apparaît dans toute sa gloire, et sa figure, quasiment érigée au rang de mythe, fait l'objet de commémorations et hommages divers. Le sculpteur biterrois et occitaniste Antonin Injalbert se voit confier la réalisation du buste de l'écrivain. Son œuvre est érigée en 1897 grâce à une souscription publique sur la promenade du Pré. Parallèlement, le mouvement moliériste piscénois animé par Albert-Paul Alliès attire le regard des élites parisiennes sur la ville. Celui-ci encourage la venue dans la cité des comédiens français, opérant pour l'occasion un semblant de pèlerinage autour des lieux et des reliques du comédien.
Indubitablement, Molière marque l'histoire de Pézenas. La cité languedocienne le lui rend d'ailleurs bien. Ville de Molière, elle propose durant toute l'année un ensemble de visites guidées sur les pas de l'auteur, scénovision voire festival (le festival Molière dans tous ses éclats se déroule depuis trois ans au mois de juin). Réciproquement, il semble que Pézenas, le Languedoc et la langue d'oc, ait également influencés le jeune comédien et dramaturge.
Jeune comédien quand il prend les chemins de l'errance loin de la capitale, Molière compose une importante production durant ses années languedociennes. La province est le cadre de la première représentation de nombre de ses pièces : l'Étourdi, le Dépit amoureux (1656, Béziers), la Jalousie du Barbouillé, ébauche de Georges Dandin, ou le Médecin volant, prélude au Médecin malgré lui, présenté une première fois en novembre 1655, au n°32 de la rue de Conti, Hôtel d'Alfonce. Ces quelques pièces ne sont qu'une infime partie des réalisations de Molière à cette époque, comptant au moins six autres farces, à la chronologie imprécise : Le Maître d'école ou Gros René petit enfant (1659), le Docteur Pédant (1660), Gorgibus dans le sac (1659, ébauche des fourberies de Scapin), la Casaque (23 décembre 1660). Les trois Docteurs rivaux (1661) et le Docteur amoureux. Joguenet ou Les Vieillards dupés, le Fagotier, et selon Grimarest, Les Précieuses ridicules.
Cadre d'une importante production, le Languedoc est également sujet et inspiration du contenu même de ces œuvres, qui témoignent pour la plupart de l'influence de la langue et de culture d'oc.
Jeune comédien de passage dans la région, Molière s'est probablement rendu à Béziers au temps des Caritats. Les fêtes de Caritats sont dans le Bas-Languedoc une institution, notamment à Béziers où elles perdurent aujourd'hui. Pézenas à l'époque de Molière célébrait également les Caritats, une pratique qui se perpétua jusqu'à la fin du XIXe siècle.
Les Caritats, c'est le temps des corporations, du rassemblement des différents corps de métiers à l'occasion d'un défilé mêlant dans un même temps de fête, toutes les communautés de la ville. Ces différentes confréries font intervenir des personnages symboliques particuliers au cours de processions durant lesquelles elles prennent possession de la ville. Animaux totémiques, Camel (chameau de Béziers) et Polin (Poulain de Pézenas), danses des treilles et processions rythment la semaine de l'Ascension. Ces commémorations semblent trouver leurs origines au Moyen Âge. Les consuls des villes du Languedoc distribuaient alors aux pauvres les revenus des biens administrés par les établissements de charité (d'où le nom de Caritats) à l'occasion de l'Ascension. (Cf. ALLIÈS, Albert-Paul. Une ville d'états : Pézenas aux XVIe et XVIIe siècles, Molière à Pézenas. Montpellier, Éd. des Arceaux, 1951. P.235).
Au XVIIe siècle, les Caritats biterroises et leurs défilés sont l'occasion de représentations théâtrales en français et en occitan. Berceau d'une tradition théâtrales en oc ce théâtre dit de Béziers, dépasse les frontières de la cité révélant tout à la fois des auteurs locaux et servant de sources d'inspiration et d'émulation pour leurs contemporains.
Le théâtre des Caritats de Béziers est un théâtre majoritairement en occitan, langue maternelle pour bien des habitants à cette époque. Pourtant, et ce dès les années 1615-1620, le français s'insère progressivement dans la trame de ces réalisations. Les langues se partagent alors les rôles en fonction des fonctions de chacun. La mégère, le soldat français et la Paix sont ainsi en français dans les pièces de Béziers de cette période, tandis que Pépézuc et le Soldat Gascon sont occitans. Les auteurs biterrois, dont François Bonnet, circulent hors de l'aire purement locale. Bonnet se rend ainsi à Toulouse, pour y rechercher une plus large consécration. Le public assistant aux représentations est également bien plus cosmopolite que la seule population locale.
Parmi les visiteurs célèbres figure selon toute vraisemblance le jeune Molière. Les spécialistes ayant analysé les pièces recueillies du théâtre de Béziers et un ensemble de pièces de l'auteur parisien, notent ainsi un grand nombre de ressemblances entre des personnages et des situations déjà développées par des auteurs biterrois. Ainsi " la répugnante dégustation d'urine à laquelle se livre Sganarelle dans le Médecin volant [...] ne va ni plus loin ni plus bas, en ce genre de comique dégoûtant, que les licences ordinaires du Théâtre de Béziers" très certainement issue de la pièce La Pastorale du berger Célidor et de Florimonde sa bergère, de 1629. (cf. ALBERGE Claude, Les voyages de Molière en Languedoc. Montpellier : Presses du Languedoc, 1988). Auguste Baluffe voit de même dans "un monologue de 1635", la Boutade de la Mode (recueil de 1644) tel ou tel passage de l'École des Maris.
"MONSIEUR DE POURCEAUGNAC
Qu'est-ce que veut cette femme-là ?
LUCETTE
Que te boli, infame ! Tu fas semblan de nou me pas connouysse, et nou rougisses pas, impudent que tu sios, tu ne rougisses pas de me beyre ? Nou sabi pas, Moussur, saquos bous dont m'an dit que bouillo espousa la fillo ; may yeu bous declari que yeu soun sa fenno, et que y a set ans, Moussur, qu'en passan à Pezenas el auguet l'adresse dambé sas mignardisos, commo sap tapla fayre, de me gaigna lou cor, et m'oubligel praquel mouyen à ly douna la man per l'espousa. "
Ville où s'illustra Molière, Pézenas est ville de théâtre. La tradition théâtrale est ici à la fois ancienne et récente, quoi qu'il en soit bien réelle en ce début du XXIe siècle, et ouverte à bien des expérimentations qui dépassent la seule commémoration d'un passé moliéresque.
Au XIXe siècle, Pézenas outre le souvenir laissé par le passage de l'auteur du Tartuffe, prolonge et enrichit la tradition théâtrale qui est la sienne en ouvrant dans les murs de l'ancienne chapelle des Pénitents Noirs (fin XVIe siècle-1789) un théâtre dont la salle peut accueillir 500 personnes. Fermé en 1947, il accueillit en son temps les acteurs de la « Comédie Française » et bénéficie aujourd’hui d'une restauration.
En 1959, André Cros inaugure à Pézenas un Centre Culturel du Languedoc, et souhaite utiliser la ville comme décor de son Fuente Ovejuna. Quelques années plus tard naissent la Compagnie de L'Illustre Théâtre, proposant des visites nocturnes théâtralisées de la vieille ville, ou le Théâtre des Treize-Vents. Boby Lapointe, le comique et ami de Georges Brassens, est également piscénois. Les muses sinon grecques du moins occitanes, semblent inspirer ici les auteurs et comédiens de tous horizons.
Le théâtre occitan est paradoxalement tout à la fois riche et méconnu, victime d'impressions trop rares ou depuis longtemps disparues. Il est pourtant le fruit d'auteurs variés, y imprimant leur style dans une représentation du quotidien de leurs contemporains riche en couleur, et une démonstration de la langue en action, trésor inestimable pour ceux qui souhaitent découvrir ou interroger ce patrimoine vivant.
Pézenas, ville dans lesquelles traditions et coutumes demeurent particulièrement actives, proposent parallèlement une importante création théâtrale occitane contemporaine. Parmi les figures locales d'importance en ce domaine, notons bien sûr celle de Claude Alranq, acteur, auteur et spécialiste dans le domaine de l'ethno-sociologie, piscénois d'origine. Il investit l'ancienne Gare du Nord de la ville, cadre de ses recherches et créations théâtrales, puisant dans la langue et la culture d'oc, une inspiration depuis jamais démentie.
Claude Alranq s'inscrit dans le renouveau théâtral occitan des années 1970. Le piscénois parcourt les routes du Languedoc pour présenter aux côtés d'autres jeunes acteurs occitans, leur jeune création, Mòrt e resureccion d'Occitania. De passage à Valros durant l'été 1971, Claude Marti assiste à l'une des représentations publiques de la pièce.
« Il y a là, sur la place, un camion asthmatique, beaucoup de décors en cartons, beaucoup de pancartes, et des gens qui s'agitent, se préparent au milieu de ce matériel pour le moins sommaire. Il fait beau, tout le village est là, les enfants, les femmes, les hommes, dans une atmosphère de petite fête.
Et la pièce commence. Incantatoire. Sous un linceul rouge marqué du drapeau occitan, il y a un mort. C'est M. Occitania, un petit viticulteur. Un tribunal est là qui disserte sur les causes de sa mort. Une sorcière apparaît : "Cessez vos trucs et manigances ! Occitania, je vais te ressusciter. Tu auras trois jours pour trouver les causes de ta mort. Si au bout de trois jours tu n'as pas trouvé, tu disparaîtras à tout jamais." C'était la pièce Mort et Résurrection de M. Occitania.
Et tout le monde est saisi, époustouflé, on n'avait jamais vu ça. On était devant un théâtre réellement populaire, qui touchait profondément les gens tout en étant très pédagogique. On voit des personnages que tout le monde reconnaît : Parloplan, le notable, Digeraplan, le banquier ; les gens se reconnaissent dans M. Occitania, ils rient, ils applaudissent, ils prennent parti ; un passage est en occitan, un autre est en français, comme dans la réalité vécue... ». Extrait de l'ouvrage Homme d'oc. Claude Martí, Michel Le Bris. Stock, Paris, 1975.
L'impact de Mòrt e ressuccion d'Occitania est réel, sur le public et la création théâtrale occitane elle-même, qui se renouvelle au contact d'une production qui bouleverse les codes et pratiques d'alors. La pièce conduit à la création de la compagnie Lo Teatre de la Carrièra, poursuivant et approfondissant les bases nouvelles posées par cette pièce fondatrice.
Vers un théâtre de civilisation
Depuis le tournant des années 1970, le théâtre contemporain occitan n'a eu de cesse de se développer, de se diversifier, mais également d'évoluer, prenant en compte les particularités de chaque époque traversée (place des femmes dans la société, rapport à l'Histoire et à la Mémoire...).
La fin des années 1970 s'accompagne ainsi d'une mutation d'un théâtre militant en un théâtre de civilisation. La production théâtrale s'accompagne dès lors d'un devoir de mémoire qui n'exclut pas la réactivation, la réappropriation et la recréation, et la recherche historique vient accompagner la démarche créative, proposant des pistes nouvelles quant aux sujets abordés, mais également la scénographie, les costumes et les décors.
Pézenas, cité dans laquelle la mémoire et l'actualité du patrimoine culturel immatériel est extrêmement vive, a vu fleurir une nouvelle génération d'auteurs et d'acteurs occitans, proposant une création puisant dans l'héritage de la ville, notamment ses traditions carnavalesques. Le Théâtre des Origines, compagnie née dans les rangs de la licence Acteurs Sud fondée par Claude Alranq, propose depuis près d'une dizaine d'année des créations où se mêlent traditions carnavalesques et arts de la rue, réinvestissant au cours de moments clés, telles la Saint Jean ou la Sant Blasi, les rues de la ville invitant la population à participer au renouveau de ses traditions en un rituel festif.
L'enquête menée de 1790 à 1794 par l'abbé Henri Grégoire (1750-1831), député de l'Assemblée constituante puis de la Convention nationale n'est pas une enquête administrative de statistique officielle, même si elle est soutenue par les institutions révolutionnaires. L’abbé Grégoire mène un projet à visée politique et dont le but est clairement un « inventaire avant disparition » (Merle, 2010). Le questionnement sur les « patois » s'accompagnait d'ailleurs de nombreuses demandes relatives aux mœurs et à la moralité du peuple. Pour autant, l’entreprise de l’abbé Grégoire est bien la première enquête s’intéressant à la sociologie linguistique de la France, avec un questionnaire comportant quarante-trois rubriques. L'enquête Grégoire sollicitait les sociétés patriotiques des Amis de la Constitution et non les administrations.
Elle donna lieu au Rapport sur la nécessité d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française, présenté par l’abbé Grégoire au nom du Comité d’Instruction publique devant la Convention nationale le 16 prairial an II.
Les matériaux et documents produits pour l’enquête (réponses à la circulaire de l’abbé Grégoire, envoi d’imprimés en langues de France) sont répartis entre deux fonds documentaires :
- Bibliothèque de la Société de Port-Royal - Fonds de l’abbé Henri Grégoire >> fiche de fonds
- Bibliothèque nationale de France, NAF 2798 >> fiche de fonds
Voir tous les documents sur l’enquête Grégoire disponibles sur occitanica
L'Enquête impériale sur les patois, menée entre 1807 et 1812, est la première enquête de linguistique officielle, organisée par le bureau de la Statistique du ministère de l'Intérieur. Elle a été conduite par le savant Charles-Etienne Coquebert de Montbret et son fils Eugène, grands érudits et spécialistes des langues. La méthode de l'enquête est très différente de celle de l'enquête de l’abbé Henri Grégoire qui poursuivait un but politique plus que sociolinguistique ou scientifique, celui de prouver « la nécessité » et de trouver « les moyens d'anéantir les patois et d'universaliser l'usage de la langue française ». L’enquête impériale met en place une méthode proche de la dialectologie moderne en demandant, commune par commune via l’administration départementale, la traduction systématique d’un même texte, la Parabole de l'enfant prodigue. Interrompue en 1812, elle est resté inachevée.
Une partie des traductions de la Parabole de l’enfant prodigue en langues de France recueillies au cours de l’Enquête impériale a été publiée par Eugène Coquebert de Montbret dans les Mélanges sur les langues, dialectes et patois : renfermant, entre autres, une collection de versions de la Parabole de l'enfant prodigue en cent idiomes ou patois différens, presque tous de France… Paris : Delaunay, 1831.
Les archives de l’enquête ont été dispersées, une partie semble perdue. La documentation sauvegardée se trouve pour une bonne partie au sein du fonds Charles-Etienne et Eugène Coquebert de Montbret à la Bibliothèque municipale de Rouen, à la Bibliothèque nationale de France, aux Archives nationales et dans plusieurs Archives départementales.
- Bibliothèque Municipale de Rouen, Fonds Coquebert de Montbret … >> fiche de fonds
- Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, « Notes et documents sur les patois de la France » : NAF 5910-5914 >> Fiche de fonds
- Bibliothèque nationale de France, Département des manuscrits, Collection Coquebert de Montbret (volumes « Linguistique ») : NAF 20080-20081 >> Fiche de fonds
- Archives Nationales, F/17/1209 : “Enquête sur les patois”
Voir tous les documents sur l’Enquête impériale sur les patois disponibles sur occitanica
Victor Duruy, ministre de l’Instruction publique sous le Second Empire de 1863 à 1869, lance en 1864 une enquête statistique destinée à mieux connaître la situation de l’enseignement primaire en France. L’enquête de 1864 se démarque des enquêtes précédentes par le degré de précision du questionnaire, destiné à dresser un tableau très précis de la situation de l’enseignement primaire en France. Par la circulaire du 28 mai 1864, le ministre Duruy adresse aux préfets un questionnaire qui devait être renseigné par les inspecteurs primaires, les inspecteurs d’académie et les recteurs, devant y ajouter un rapport d’ensemble concernant leurs circonscriptions scolaires.
Pour la première et la seule fois dans l’histoire de la statistique scolaire en France, le questionnaire comprend une rubrique sur les “idiomes et patois en usage” :
“ Existe-t-il des écoles où l’enseignement est encore donné en patois exclusivement ou en partie ? Nombre des écoles où l’enseignement est donné en totalité en patois ? En partie seulement ? Combien d’enfants savent le parler sans pouvoir l’écrire ? Quelles sont les causes qui s’opposent à une prompte réforme de cet état de choses ? Quels sont les moyens à employer pour le faire cesser. Joindre au rapport un fragment du patois ou de l’idiome avec la traduction littérale.” (circulaire du 28 mai 1864, publiée dans : Bulletin administratif du ministère de l’Instruction publique, nouvelle série, t. I, Paris, 1864).
Les directives données en font une enquête statistique particulièrement précise et développée et surtout, en intégrant dans un questionnaire précis sur les usages linguistiques dans les écoles et parmi les enfants, l’enquête Duruy produit jusqu’à l’enquête INSEE “Étude de l’histoire familiale” de 1999, la seule matière documentaire permettant une connaissance statistique assez précise de la situation sociolinguistique à l’échelle de la France.
Archives Nationales F/17/3160 : Instruction publique : “Statistique. États divers.” Ce dossier donne le résumé par département des réponses données à l’enquête du Ministère de l’Instruction publique de 1864. Les réponses à l’enquête du Ministère de l’Instruction publique de 1864 semblent ne pas avoir été conservées.
En 1873, Charles de Tourtoulon et Octavien Bringuier, deux philologues félibres de l’école de Montpellier entreprennent une mission pour la Société pour l'étude des langues romanes, soutenue par le ministère de l’Instruction publique (arrêtés ministériels du 2 mai et du 11 juin 1873) en vue de déterminer la limite entre la langue française et la langue occitane ou domaine d’oïl et domaine d’oc. La mission Tourtoulon-Bringuier est la première grande enquête linguistique nationale fondée sur une enquête de terrain armée d’une méthodologie scientifique : les études sont menées sur les lieux mêmes, par les mêmes personnes, afin que le même esprit préside à l'ensemble des recherches, et aussi pour que les nuances phonétiques, si difficiles à noter exactement, le soient par les mêmes personnes. Ils mettent au point un alphabet phonétique et des critères linguistiques déterminés par avance.
L’Enquête Tourtoulon-Bringuier est menée au cours de deux missions : la première de l’embouchure de la Gironde jusqu’en Creuse, puis une seconde de la Creuse jusqu’en Allier. Seule la documentation de la première enquête est connue et accessible. Elle concerne 150 communes d’enquête et environ 500 personnes interrogées.
Les résultats de l’enquête Tourtoulon-Bringuier, publiés en 1876 dans un rapport au Ministre de l’Instruction publique intitulé “Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl” amèneront à repenser la conception des frontières linguistiques de façon non linéaires mais forcément approximatives.
L’école philologique de Paris dirigée par Gaston Paris et Paul Meyer lancent une contre-enquête dans le département de la Creuse, menée par Antoine Thomas (40 communes du sud de la Creuse).
La mission Tourtoulon-Bringuier, menée sous l’égide de la Société pour l’étude des langues romanes, qui s’oppose à l’école philologique de Paris, et dont les membres étaient proches, voire actifs dans la renaissance occitane félibréenne, se démarque également dans ses motivations idéologiques, comme l’a noté Guylaine Brun-Trigaud : “Son but officiel consistant à déterminer la limite oc-oïl pour toute la France, mais on peut penser qu’il s’agissait par ce biais d’évaluer le territoire que pourraient légitimement revendiquer les félibres, qui, depuis 1854, prônaient un retour de la langue et de la culture occitanes, autour de la personnalité de Mistral” (“Les enquêtes dialectologiques sur les parlers du Croissant : corpus et témoins”, Langue française. Vol. 93, n°1, 1992. En ligne)
Étude sur la limite géographique de la langue d'oc et de la langue d'oïl Premier rapport à M. le Ministre de l'Instruction publique, des Cultes et des Beaux-Arts. Extrait des Archives des Missions scientifiques et littéraires, troisième série - tome troisième, Paris, Imprimerie Nationale, 1876. >> En ligne
Archives nationales F/17/2943 : Ministère de l’Instruction publique : Octavien Bringuier - Dossier sur la mission en France ayant pour but d’étudier la limite entre les parlers d’oc et les parlers d’oïl.
"Les frontières n'ont de sens que pour les populations qui croient en leur existence ou encore pour les populations qui ont appris à y croire. Henri Velasco, 2004.
Les Corbières furent durant des siècles la frontière entre deux royaumes fréquemment en guerre durant le Moyen Âge et à l'époque moderne et qui se firent face de part et d'autre, au moyen de leurs forteresses respectives.
Les Corbières, zone escarpée au faible peuplement avant même l'établissement de la frontière sur la ligne de crête du massif, constituent tout naturellement une zone de marge, la transition entre le monde civilisé et le monde sauvage. Elles sont ainsi un espace de limites susceptibles d'accueillir tout ce que le nouvel ordre social rejette. Les Corbières sont ainsi suspectées d'être le refuge de brigands et d'accueillir des manifestations surnaturelles et magiques : sorciers, démons, fées et autres esprits de la nature.
Les bornes, tours et autres forteresses implantées dans le paysage pour définir la limite entre les deux pays vont ainsi organiser l'espace et protéger du danger représenté à la fois par l'ennemi lointain que par le proche monde sauvage. Ces monuments s'accompagnent dès lors de multiples histoires, légendes et superstitions construites autour de ces symboles du contrôle de l'homme sur son territoire.
C/Les Corbières, espace de retraite spirituelle
BIBLIOGRAPHIE
[1] RLR, 1874, série 1, t. V : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19828x/f422
Conten : introduction d'A. Gazier ; réponse d'Auguste RIGAUD, Montpellier, 28 janvier 1791 ; réponse de la Société des Amis de la Constitution, Carcassonne, s. d.
[2] RLR, 1874, série 1, t. VI : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k198298/f581
Conten : réponse de la Société des Amis de la Constitution, Carcassonne, s. d. (suite).
[3] RLR, 1875, série 1, t. VII : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19830g/f111
Conten : réponse de la Société des Amis de la Constitution, Carcassonne, s. d. (suite et fin ; réponse de François Chabot, Saint-Geniès, Aveyron, 4 septembre an II [1792].
[4] RLR, 1875, série 1, t. VIII : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19831t/f71
Conten : réponse d'aun anonyme, s. l., s. d. [Bas-Languedoc, Roussillon ou Cerdagne] ; réponse de Sénard, Toulouse, 1er septembre 1790 ; réponse de la Société des Amis de la Constitution d'Auch, département du Gers, s. d.
[5] RLR, 1876, série 2, t. I : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k198325/f276
Conten : réponse de la Société des Amis de la Constitution d'Auch, département du Gers, s. d. (suite)
[6] RLR, 1876, série 2, t. II : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19833h/f28
Conten : réponse de la Société des Amis de la Constitution d'Auch, département du Gers, s. d. (suite et fin) ; réponse de Grégoire curé des Palais, Valence-d'Agen, 27 février 1791 ; réponse de Chaudon, Mézin (Lot-et-Garonne), 30 messidor an II [18 juillet 1794].
[7] RLR, 1877, série 2, t. III : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19834v/f178
Conten : réponse de Pierre Bernadau, Bordeaux, 4 septembre 1790 (et aussi : traduction en occitan par P. Bernadau de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, 10 septembre 1790).
[8] ibid. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19834v/f230
Conten : réponse de Pierre Bernadau, Bordeaux, sept. 1790-janvier 1791 (suite) ; réponse de la Société des Amis de la Constitution de Mont-de-Marsan (dépt. des Landes), s. d.
[9] RLR, 1877, série 2, t. IV : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k198356/f213
Conten : réponse de la Société des Amis de la Constitution de Mont-de-Marsan, s. d. (suite) ; réponse de la Société des Amis de la Constitution du club de Périgueux (Dordogne), Périgueux, 28 novembre 1790 ; réponse du citoyen Dithurbide (sur le basque), Lectoure, 1er messidor an II [19 juin 1794] ; réponse de la Société des Amis de la Constitution de Maringues (Puy-de-Dôme), s. d. ; réponse de la Société des Amis de la Constitution, Limoges, 6 novembre 1790.
[10] RLR, 1878, série 2, t. V : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19836j/f9
Conten : réponse de Colaud de la Salcette, district de Dire (dépt. de la Drôme), 12 janvier 1792 ; Claude-François Achard, « Syntaxe de l'idiome provençal » présentée au Comité d'Instruction Publique, 1794.
[11] ibid. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19836j/f237
Conten : Claude-François Achard, « Syntaxe de l'idiome provençal » (suite) ; réponse de Lorain fils, district de Saint-Claude (dépt. du Jura), 14 septembre 1790 (dialectes bourguignons) ; réponse de Joly, Saint-Claude (dépt. du Jura), 7 septembre 1790 ; réponse de M.-J.-P. Rochejean (Jura ; Ardèche), 15 mars 1791.
[12] RLR, 1878, série 2, t. VI : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19837w/f51
Conten : réponse de M.-J.-P. Rochejean (Beaumarchais, Seine-et-Marne ; Sully, Loiret), 15 mars 1791 ; (notes de Grégoire) patois de Maconnais, Dombes, Bresse ; (notes de Grégoire) Bourguignon ; réponse de Bernardet, Mazille (Saône-et-Loire), 28 décembre 1790 ; réponse d'Oberlin, Strasbourg, 28 août 1790 (dialecte d'Alsace) ; réponse d'Aubry curé de Bellevaux (duché de Bouillon, région wallonne), 26 février 1792.
[13] ibid. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k19837w/f169
Conten : réponse d'Aubry curé de Bellevaux (duché de Bouillon, région wallonne), 26 février 1792 (suite : Dictionnaire du patois du duché de Bouillon ; Conjugaison des verbes wallons).
[14] RLR, 1879, série 3, t. I : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k198387/f53
Conten : réponse de J.-B. Hennebert, Saint-Omer, 21 novembre 1790 (dialectes de l'Artois) ; réponse de Vincent Poupart, Sancerre, 9 septembre 1790 (dialectes du Berry) ; réponse de Pressac, curé, Saint-Gaudent (dialectes du Poitou, dépt. de la Vienne), s. d.
[15] ibid. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k198387/f183
Conten : réponse de Pierre Riou, laboureur à Plougonoil, 17 octobre 1790 (breton) ; réponse de [Lequinio ?], s. l., s. d. (breton) ; Appendice : Rapport de Grégoire à la convention ; lettres reçues par Grégoire après 1791.
Une fois l'hérésie cathare mise à bas et les domaines des souverains languedociens entrés dans l'escarcelle française, les anciens châteaux dits encore parfois "cathares" sont tout particulièrement mis à profit. La clé de voûte demeure Carcassonne, le siège de la sénéchaussée.
La paix des Pyrénées et l'entrée du Roussillon dans le giron français, met fin au rôle militaire de la forteresse. Laissé à l'abandon à compter de cette date, le château de Quéribus a fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques en 1907. Grâce à cette reconnaissance, il bénéficie depuis 1951 d'un important programme de restauration. On peut y découvrir aujourd'hui encore des vestiges de son rôle défensif mais également de la vie quotidienne de ses habitants : citerne enduite destinée à récupérer les eaux précieuses lors d'un siège, corps de logis...
Al còr d’Aude, Carcassona e sa ciutat legendària escondon mantun secret. Caminarem sus las muralhas puèi anirem cap a la vila bassa al rencontre de l’un de sos melhors ambaissadors, Renat Nelli. Après anirem a la Bibliotèca d’aglomeracion de Carcassona per descobrir un dels caps d’òbra de la literatura occitana : lo Roman de Flamenca, unenca pèça originala medievala en occitan encara conservada en tèrras d’òc.
Se pòt pas parlar de Carcassona sens res dire de la dòna que, segon la legenda, li auriá balhat son nom : Dòna Carcàs. Una istòria que s’i mesclan Carlesmanhe, d'espaurugals e un porcelon gras...