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Le Boeci : la plus ancienne œuvre littéraire en occitan
AuteurCIRDOC - Institut occitan de cultura
EditeurCIRDOC - Institut occitan de cultura
SujetBoeci
Boèce (0480?-0524) -- Dans la littérature
Occitan (langue) -- Avant 1500
Type de documentText
texte électronique
Langueoci
fre
Formattext/html
DroitsCIRDOC - Institut occitan de cultura
RéutilisationLicence ouverte
Permalienhttps://www.occitanica.eu/items/show/3457
Création de la notice2019-04-02 DE
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Le Boeci : la plus ancienne œuvre littéraire en occitan [Œuvre ou corpus]
Le Boeci est un poème allégorique, paraphrase en langue occitane du traité stoïcien et néoplatonicien Consolatio philosophiae du philosophe et homme politique latin Anicius Manlius Severinus Boethius dit Boèce (480?-524). Il a vraisemblablement été composé en Limousin aux alentours de l’An Mil. Ce poème sur la vie de Boèce est connu par un manuscrit fragmentaire de 258 vers décasyllabes conservé au sein d’un recueil de manuscrits du fonds ancien de la Bibliothèque d’Orléans.
Le fragment du Boeci est considéré, avec la Canso de sancta Fides de Agen (Chanson de Sainte Foi d’Agen), comme une des plus anciennes œuvres littéraires composées en langue occitane.

Autres versions du titre :

Le manuscrit ne comportant aucun élément de titre, les différents éditeurs et critiques ont forgé différents titres depuis le début du XIXe siècle. Le titre Boeci est aujourd’hui adopté comme titre conventionnel (titre uniforme) [1].

Formes rejetées :

< Poème en vers romans sur Boèce (F. Raynouard, 1817)
< Boèce (P. Meyer, 1872)
< Boecis (V. Crescini, 1926)
< Fragments de la Vie de Boèce en langue romane

Exemplaires conservés :

Le Boeci est connu par une seule copie fragmentaire copiée à la fin d’un recueil de textes religieux conservé à la Bibliothèque d'Orléans : « Jérémie et Ézéchiel, suivis de sermons, du Cantique des cantiques et d'un fragment de la Vie de Boèce en langue romane ».

Le Poème commence au milieu de la page 269 et s’arrête à la page 275 par un mot coupé. Les 21 premiers vers (page 269) sont d’une écriture plus archaïque que le reste du fragment.

Provenance :

Le manuscrit provient de l’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire (abbaye de Fleury), dont la bibliothèque compose une importante partie du fonds ancien de la Bibliothèque d’Orléans, transféré lors de la Révolution française.

Mentionné au XVIIIe siècle par l’abbé Lebeuf dans l’une de ses Dissertations sur l’histoire civile et ecclésiastique de Paris, il est découvert par François Raynouard en 1813 dans les collections de la Bibliothèque d’Orléans.

Description du manuscrit :

Au sein d’un recueil, parchemin, 275 p. (XIe s.). Le Boeci a été copié à la fin du manuscrit (p. 269-275) sur des feuillets laissés blancs.

Identifiant (cote) :

Bibliothèque municipale d'Orléans, ms. 444 (ancienne cote : n° 374).

Description détaillée :

Voir la description complète du manuscrit dans le Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France (sur le site du Catalogue collectif de France : ccfr.bnf.fr) :

http://ccfr.bnf.fr/portailccfr/jsp/index_view_direct_anonymous.jsp?record=eadcgm:EADC:D18013076

Étude :

1. Contenu du Boeci :

Le Boeci est un poème inspiré du traité De Consolatione Philosophae, rédigé par Boèce dans sa prison de Pavie, après qu'il ait été emprisonné en 520 par Théodoric le Grand, roi ostrogoth d'Italie et héritier de fait des empereurs romains d'Occident. Le fragment conservé, qui n’évoque que le début de la Consolatio Philosophae, constitue sans doute le commencement d’une œuvre beaucoup plus volumineuse. Initialement traité de morale stoïcienne influencée par le néoplatonisme, dépeignant de façon allégorique la consolation apportée au phisolophe incarcéré par la Philosophie, qui dialogue avec lui en abordant des concepts tels que la souffrance, la consolation, le déterminisme, la liberté, la providence, la justice ou la vertu. Boèce sera exécuté en 524 au terme de quatre années de détention. 

Si ce texte occitan est l’imitation d’une œuvre morale très célèbre au Moyen Âge, Robert Lafont et Christian Anatole ont fait remarquer que son auteur fait preuve d'un projet poétique : « L’auteur occitan a mêlé à ce texte de tradition cléricale des notations plus populaires qui appartiennent à la légende du saint. Il a surtout laissé aller son imagination à décrire l’échelle symbolique qui apparaît à Boèce peinte sur le vêtement de Dame Philosophie. Ce n’est pas un clerc seulement, mais un poète de métier. » De fait, en paraphrasant un texte allégorique mais aussi partiellement autobiographique, l'auteur se place à mi-chemin entre un traité de philosophie morale reformulé et une hagiographie de Boèce, considéré selon la tradition chrétienne comme un saint de l'Église catholique, bien qu'il n'ait jamais été canonisé. 

Le poème commence par un appel aux jeunes hommes dissipés (v. 1-19), puis évoque l’emprisonnement de Boèce (v. 20-157) et se termine avec l’apparition de la Dame (v.158-258). Le vers 258 est tronqué au début du second mot : « De pec… »

2. Le Boeci ou l'acte de naissance de la littérature occitane :

La plupart des historiens de la littérature occitane ont fait du Boeci une des plus anciennes œuvres d’expression occitane aux côtés de la Canso de sancta Fides de Agen.

L’émergence de l’occitan comme langue d’écriture se déroule dans un processus long, peu perceptible dans la documentation, qui s'opère entre le VIIIe et le XIe siècle. Le Boeci comme la Chanson de Sainte Foi marquent un tournant dans la mesure où la langue occitane y est autonome, contrairement aux documents antérieurs, où le conflit avec le latin est évident. Le cas de l’émergence de la scripta occitane est original : « Paradoxalement, la première des écritures ainsi mise en point ne fut pas administrative, mais poétique. En effet, la première charte dont la rédaction soit fondée sur l’emploi exclusif et autonome de la langue d’oc est datée d’avril 1102. D’autres chartes présentent à des dates plus anciennes des fragments qui, noyés dans le latin, se laissent identifier comme romans, mais dans un phrasé général qui ne s’est pas démarqué de l’usage du latin. (...) Ainsi, ce sont selon toute vraisemblance le poème sur Boèce et la Chanson de sainte Foi qui constituent aux alentours de l’an Mil la première affirmation nette de la romanité d’oc face à la tradition écrite latine. »

À partir de cette époque, la langue occitane comme langue d'écriture, de pensée et de création va se développer au point que moins d'un siècle plus tard, avec Guilhem IX et les premiers troubadours, le rapport de force entre le latin et l'occitan aura basculé en faveur de la seconde pour l'innovation poétique. À propos du fragment du Boeci, Robert Lafont écrit : « nous sommes aux sources d'une littérature nouvelle, déjà maîtresse de sa forme. »

Notons cependant que le Boeci ouvre davantage la voie à une prose religieuse d’expression occitane qu’à la lyrique des troubadours « qui s’opposeront tant à l’ancienne culture latine qu’à la nouvelle création poétique cléricale. » En effet, les topos de la Fin'Amor n'apparaissent encore nullement dans cette oeuvre nourrie des dialogues de Platon et de la pensée de saint Augustin, qui se rattache clairement à la culture de l'Antiquité chrétienne.

3. La datation de l’œuvre :

La datation du Boeci a donné lieu à beaucoup de spéculations depuis le XVIIIe siècle où Court de Gébelin (Discours préliminaire du Dictionnaire étymologique de la langue française, 1773-1782), le faisait remonter au IXe siècle.

La plupart des spécialistes s’accordent cependant sur la datation proposée dès le XIXe siècle par François Raynouard puis Paul Meyer, c’est-à-dire entre la fin du Xe siècle et plus probablement le premier tiers du XIe siècle selon l’étude linguistique très poussée de Vladimir Rabotine, dont les conclusions sont confirmées par les critiques postérieurs (René Lavaud et Georges Machicot, 1950 ; Christian Anatole et Robert Lafont, 1970). L’étude de Vladimir Rabotine, qui conclut à l’antériorité du Boeci sur la Chanson de Sainte Foi d’une vingtaine d’années, confirme que le fragment en occitan sur Boèce est bien « le plus ancien monument littéraire de la langue d’oc ».

L’étude de la langue du poème permet de l’attribuer à un auteur de la région limousine, sans doute un clerc de l’abbaye Saint-Martial de Limoges, grand foyer d’écrit religieux d’expression occitane. La copie aujourd’hui conservée à la Bibliothèque d’Orléans a sans doute été réalisée dans la même abbaye avant de rejoindre la librairie de l’abbaye de Saint-Benoit-sur-Loire.

Éditions et traductions :

1/ RAYNOUARD , François. Choix des poésies originales des troubadours, t. II, Paris, 1817. 
Aussi : RAYNOUARD (François), Fragment d’un poème en vers romans sur Boece…, Paris, 1817.

Première édition complète du texte et traduction française.

En ligne sur Occitanica : consulter le document.

2/DIEZ, Friedrich. Altromanische Sprachdenkmäler, Bonn, 1846, p. 39-72.

3/ BARTSCH, Karl, Chrestomathie provençale, Elberfeld, 1868.

4/ MEYER, Paul, Recueil d’anciens textes bas-latins, provençaux et français, Paris, 1877, 23-32

En ligne sur Gallica : consulter le document. 

5/ HÜNDGEN, Franz, Kritische Ausgabe des altprovenzalischen Boëthiusliedes unter Beifügung eines Commentars, Oppeln 1883.

Édition jugée « peu satisfaisante » par Vladimir Rabotine.

6/ CRESCINI, Vincenzo. Manualetto provenzale per uso degli alunni delle Facoltà di Lettere, Verona ; Padova, 1892, p. 1-5.

7/ APPEL, Carl. Provenzalische Chrestomathie, Leipzig, 1895, p. 147-151.

8/ BARTSCH, Karl. Chrestomathie provençale, 6e éd. entièrement refondue par Eduard Koschwitz, Marburg, 1904.    

9/ BOSELLI, Antonio. Il Boecis in antico provenzale secondo la lezione dell'apografo orleanse, Roma, 1903.

10/ LAVAUD, René, MACHICOT, Georges. Boecis : poème sur Boèce (fragment), Toulouse, Institut d’Études Occitanes, 1950.

Nouvelle édition et traduction française littérale.

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