Signe du succès national du mouvement félibréen, il y eut dès 1878 un Félibrige de Paris. Il institue une fête annuelle, dans le parc de Sceaux, dernière demeure du fabuliste languedocien Florian (1755-1794).

 

 Dans l’esprit d’une réinstauration des Jeux floraux, sur l’exemple barcelonais, le Félibrige parisien se constitue autour du rite des fêtes annuelle de Sceaux, dans ce qui est aujourd’hui le “Jardin des Félibres”. Chantres du génie d’oc qui puisent tant dans l’identité populaire que dans ses racines historiques - de la romanité aux “Albigeois” en passant par les cours d’amour du temps des troubadours - les poètes du Félibrige entretiennent une relation ambivalente avec Paris et la centralisation française triomphante de la fin du XIXe siècle. Sur le plan littéraire, comme jadis Jasmin, le poète-perruquier d’Agen, premier grand écrivain d’expression occitane à avoir connu un succès national, c’est vers Paris que le jeune Mistral se tourne au moment de faire connaître son premier chef-d’œuvre. Une littérature d’expression occitane ne peut finalement se construire sans la validation critique parisienne.


La consécration viendra de Lamartine. Dès lors les louanges pleuvent sur la Provence mistralienne. Le poète est comparé à Homère et Virgile. Cet adoubement parisien demeure fondamental dans l’héritage félibréen. En 1901, le nouveau capoulier Pierre Dévoluy écrit :

  “...quand l’on songe que, tombée depuis cinq siècles du trône souverain où elle était maîtresse, notre langue nationale d’oc bégayait dans un long sommeil et n’avait plus de vie, au regard d’un monde oublieux, que par une littérature méprisée et patoisante, l’on se sent véritablement frôlé par l’aile d’un mystère émouvant et envoûtant, si l’on entend la voix de Lamartine criant aux quatre coins de l’univers l’Annonciation mistralienne.”

  Sur le plan politique, le Félibrige fait figure de premier mouvement régionaliste en France. Même s’il ne connut jamais une grande masse d’adhérents, il essaima dans l’ensemble de l’espace occitanophone et l’amicale littéraire de 1854 se structura avec les nouveaux statuts de 1876 en une véritable organisation territoriale, de la commune au “gouvernement” félibréen en passant par les provinces. Un tel mouvement suscita quelques inquiétudes mais au final, les félibres se mêlèrent peu de politique. Majoritairement conservateur, le mouvement représenta même pour les élites nationales un organe efficace de promotion de la “vieille France” aux valeurs éternelles.

L’activité internationale de Mistral et des félibres était tout autant compatible avec le contexte politique national, l’idée d’un rapprochement des nations “latines” représentant un contrepoids intéressant à la puissance germanique.

A gauche : Emile Zola assiste aux fêtes félibréennes de Sceaux en 1892, bien qu’il ne fût pas un défenseur de la langue d’oc.