En mai 1878 se déroulent à Montpellier les premières grandes Fêtes latines organisées dans la mouvance de la renaissance d’oc. Comme pour toute rencontre d’inspiration félibréenne, et dans le souvenir des Jeux floraux du Moyen Âge, un grand concours de poésie est organisé. Cinquante-six poètes de langue latine concourent pour le choix du “Chant du Latin”, destiné à devenir l’hymne identitaire de la latinité. Parmi eux, trois auteurs de langue roumaine enverront des textes, une écrivaine anonyme de Tîrgu-Mures, un certain Romulus Scriban et Vasile Alecsandri.

Le poème d’Alecsandri, Cîntul Gintei Latine - “Chant de la gent latine” - est couronné et largement diffusé dans la presse de l’époque, de Turin à New York en passant par Bogota. Cet honneur montpelliérain rencontre un écho important dans la jeune Roumanie, dont l’indépendance n’a été reconnue qu’un an plus tôt, et qui bénéficie ainsi d’un éclairage mondial. Des liens profonds se tissent dès lors entre les intellectuels roumains et les acteurs de la renaissance d’oc.

Le poète national roumain Vasile Alecsandri et le grand poète de la Provence cherchent tous deux à sauver leur langue par l’invention d’une littérature qui puiserait aux racines populaires de leur pays. À Mircesti comme à Maillane, c’est “aux pâtres et aux gens de la terre” (Mistral), que le poète s’adresse.

 "Le nom d'Alecsandri est inscrit dans le ciel des bons génies de Provence, comme il l'est au panthéon des plus pures gloires latines et des immortels fondateurs de la nationalité roumaine" 

 Lettre de Frédéric Mistral à Pauline Alecsandri, 12 septembre 1890.

 A droite : Recueil de poésies roumaines de Vasile Alecsandri, “traduites en vers provençaux” par Alphonse Tavan, 1886.

  Au-delà de la relation de profonde amitié qui lie les deux grands poètes, s’ouvre avec les Fêtes latines de Montpellier une décennie de roumanophilie dans les milieux de la renaissance d’oc à laquelle répond l’attachement d’Alecsandri à la culture occitane au point de se nommer lui-même “trobaire d’Orient”. L’amitié roumano-occitane culmine lors des Jeux floraux de 1882 en présence d’Alecsandri, alors président du Sénat roumain. Les félibres vont alors trouver dans la reine de Roumanie, poète sous le nom de Carmen Sylva, l’héritière de la légendaire Clémence Isaure de Toulouse. La reine de Roumanie, à laquelle de nombreux poètes dédient des compositions en langue d’oc, est déclarée Maître des Jeux floraux en 1883.

A  gauche : photo d’Élisabeth de Wied, reine de Roumanie et écrivaine sous le nom de Carmen Sylva