Le violon fût inventé dans le premier quart du XVIème siècle et occupa très vite une place de premier plan dans la musique savante occidentale puisque dès 1607 Monteverdi a écrit pour lui un duo dans son Orfeo.
Parallèlement, il devient l’instrument de musique incontournable de la pratique ménétrière de l’Ancien Régime. Le terme ménétrier qui vient du latin « minister » signifie « petit officier, serviteur » et désigne à cette époque là un musicien qui, en milieu urbain, est au service du pouvoir royal, ecclésiastique ou municipal. En effet, les ménétriers en milieu urbain étaient des musiciens professionnels souvent poly-instrumentistes (violon et hautbois principalement) faisant partie de corporations et chargés d’animer collectivement les festivités officielles de la ville. Le violon était alors l’instrument de la danse et le hautbois l’instrument des cortèges, de la rue. L’apprentissage musical des ménétriers qui était le plus souvent oral se faisait auprès d’un maître. Il durait quatre ans et était encadré par un contrat.
En milieu rural, les corporations n’existaient pas, la plupart des musiciens étaient semi-professionnels c'est-à-dire qu’ils exerçaient un autre métier en complément. C’est l’animation des noces qui leur fournissait la majeure partie de leurs occasions de jeu.
Dès la fin du 18ème siècle, les corporations de ménétriers du milieu urbain disparaissent en raison à la fois de l’évolution du goût musical vers une musique plus savante et écrite favorisée par la création des académies, et du déclin de leur raison d’être. Les villes perdent, en effet, leur autonomie au profit du pouvoir centraliste monarchique puis révolutionnaire, elles ne voient donc plus l’intérêt d’engager des musiciens pour les représenter. La couble des hautbois des Capitouls de Toulouse, par exemple, est supprimée en 1782. Petit à petit, la pratique ménétrière cessera d’être au service de la classe dirigeante pour être associée au peuple.
En milieu rural, la pratique ménétrière du violon est fortement concurrencée au 19ème siècle par le développement des sociétés musicales (orphéons, fanfares, harmonies, cliques) qui forment des musiciens sachant lire la musique et qui sont engagés pour animer les bals, fêtes votives et noces, etc. Les ménétriers sont, dans beaucoup de régions, peu à peu marginalisés socialement et économiquement, leur nombre se réduit et leur jeu collectif est remplacé progressivement par un jeu seul ou en duo.
Au 20ème siècle, les collectes sonores des musiciens revivalistes des années 70 auprès des joueurs de violon fait de nouveau entendre le terme de ménétrier pour évoquer le musicien de routine, c'est-à-dire celui qui joue d’oreille, sans savoir lire la musique. Sollicités par les enquêteurs, de nombreux joueurs de violon qui avaient arrêté de jouer depuis de nombreuses années ont repris pour livrer leur savoir et se produire aux côtés de ces jeunes musiciens. Ces enquêtes nous enseignent que la majeure partie de ces violoneux (terme utilisé parfois de façon péjorative pour distinguer le joueur de violon traditionnel du joueur de violon classique) étaient semi-professionnels comme les ménétriers ruraux de l’Ancien Régime. Mais à l’inverse deux, la plupart des musiciens qui ont commencé leur activité dans les années 1920 ont appris en autodidacte, par imprégnation c'est-à-dire en côtoyant depuis l’enfance un répertoire précis et des musiciens à imiter.
La connaissance des traditions populaires de violon issues des enquêtes des années 70 et 80 ne permet pas d’établir de façon certaine une filiation entre celles-ci et la pratique ménétrière de l’Ancien Régime. Rien ne permet également d’affirmer que toutes les traditions régionales de violon exhumées à cette période soient très anciennes.