« Car une conception du monde qui vivait en ces lieux fut alors anéantie pour toujours. » Simone Weil, « L'agonie d'une civilisation vue à travers un poème épique », 1943.
L’image du « crépuscule » de la civilisation occitane est véhiculée dès le XIIIe siècle par une création littéraire qui a pris parti, contre les Croisés ou l'Inquisition, et qui porte désormais une réflexion morale. La Canso de la Crozada : cette œuvre occitane que, en pleine occupation nazie, la philosophe Simone Weil érige en épopée d'une grande civilisation détruite par la barbarie des armes et de l'intolérance – nomme avec « paratge », concept intraduisible, la clef de voûte d'un âge d'or perdu.
Pour la partie centrale des pays d'Oc, les terres du comté de Toulouse et des vicomtés Trencavel, victimes directes de la Croisade contre les Albigeois, le XIIIe siècle représente près de quarante ans de guerre et de violences, auxquels il faut ajouter l'installation durable de l'Inquisition. Ces événements ont pour conséquences directes la disparition ou l'affaiblissement des grandes cours seigneuriales – foyers de la création lyrique – ; l'installation d'une élite de langue française, qui va initier un lent mais sûr déclin de l'occitan écrit ; et la condamnation par l'Église de la fin'amor, incompatible avec la conception religieuse de l'amor. Dans la littérature, le discours religieux détourne vers la Vierge la ferveur autrefois dévolue à la Dame.
C'est dans ce contexte, à la fin d'un siècle où la civilisation des troubadours n'est quasiment plus qu'un souvenir, que la littérature occitane va produire un chef-œuvre « illisible », composé dans un Rouergue encore épargné par la répression de l'Inquisition, et qui ne connaîtra sans doute aucune diffusion - ni copie, ni mention connue - avant sa redécouverte au début du XIXe siècle : le roman de Flamenca.
La lyrique occitane, intimement liée aux milieux courtois en proie à la guerre comme à l'Inquisition, connaît au XIIIe siècle une profonde évolution. Beaucoup de troubadours, à l'image de Pèire Cardenal ou de Guilhem de Montanhagol, autre grand troubadour de la période de la Croisade, vont alors produire une œuvre d'intention religieuse et morale ou partisane.