L’Irlande est un des pays les plus pauvres de l’Europe du XIXe siècle. L’île a connu des siècles d’invasions, de conflits et de révoltes, auxquels il faut ajouter une politique de discrimination politique et économique à l’encontre des Irlandais. Le XIXe siècle commence par les Acts of Union qui font de la Grande-Bretagne et de l’Irlande un seul État, sur lequel flotte désormais un nouveau symbole, l’Union Jack, synthèse des emblèmes de l’Angleterre, de l’Écosse et de l’Irlande. Malgré la fabrication de l’image d’une nation unie, la population catholique qui représente 90 % des Irlandais malgré les tentatives d’anglicanisation - demeure encore exclue de la vie politique et dans une situation économique très précaire. En 1845 éclate la Grande Famine An Gorta Mór en irlandais, qui fait des centaines de milliers de morts et provoque une immense vague d’immigration vers l’Amérique. À la fin du siècle, l’Irlande aura perdu la moitié de ses habitants.
L’histoire tragique de l’Irlande laisse peu de place à un réveil artistique renaissantiste comparable à celui que connaissent la plupart des autres nations européennes en construction. La Grande Famine porte également un coup à la vitalité de la langue irlandaise. Elle est parlée par la très grande majorité des Irlandais en 1840, par seulement 20 % à la fin du siècle. Le réveil irlandais sera tardif, au tournant du XXe siècle, avec le développement des mouvements indépendantistes. L’Irlande, amputée de l’Ulster, conquiert son indépendance en 1921 après plusieurs années de conflit armé. Sur le plan culturel, malgré des figures majeures comme le poète William Butler Yeats (1865-1939), initiateur d’un Irish Literary Revival, et des tentatives de politiques linguistiques par la toute nouvelle République, la culture irlandaise est majoritairement anglophone.
Les acteurs de la renaissance d’oc demeurent étrangers à la situation dramatique des Irlandais, dont la langue et la culture celtiques les placent bien loin de la latinité chantée par les félibres. Leur lien avec l’Irlande s’établit avec un personnage haut en couleur, prince fantasque et brillant, qui jouera un rôle décisif dans le prestige du Félibrige, William Bonaparte-Wyse.