La candidature de Mistral demeure en sommeil durant trois années consécutives, sans toutefois être oubliée. Le vieux poète provençal, âgé alors de 74 ans, bénéficie du soutien constant et actif des philologues et romanistes de l’école allemande. Un soutien à double tranchant toutefois, dans le contexte tendu entre la France et l’Allemagne. 1904 voit finalement l'auteur de Mirèio reconnu internationalement. Il partage cependant son titre avec le Basque José Echegaray, ardemment défendu par la Real academia española. Pas plus qu'en 1901 Mistral ne reçoit le soutien de l'Académie française.
La traduction de Mirèio entreprise par le suédois Carl Rupert Nyblom, dans le but d'en faciliter la transmission aux académiciens, ne rend pas hommage au lyrisme du texte original. Cette récompense n'en demeure pas moins un symbole exceptionnel donnant à la langue occitane, déjà auréolée de la redécouverte de la lyrique des troubadours, un nouveau signe de prestige international.Il faudra attendre 1978 pour qu’un prix Nobel de littérature soit à nouveau décerné pour une œuvre dans une langue non officielle, à Isaach Bashevis Singer, écrivain d’expression yiddish.
Le jury accompagne le prix décerné à Mistral de ces quelques mots : "en considération de sa poésie si originale, si géniale et si artistique, [...] ainsi qu'en raison des travaux importants dans le domaine de la philologie provençale". Le prix Nobel signale la valeur universelle de l'œuvre de Mistral et la protège de l'a priori « régionaliste ».
Âgé de 74 ans, et peu voyageur, Frédéric Mistral n’alla pas en Suède pour recevoir son prix. Il emploiera la somme attribuée par l’Académie à la création d’un musée de la culture provençale, le Museon arlaten.
"Ma foi naïve en l'Étoile du Félibrige a été confirmée par cette merveilleuse année du Cinquantenaire de Font-Ségune où l'Étoile polaire a laissé choir le prix Nobel sur la Renaissance de notre langue..."
Lettre de Frédéric Mistral aux félibres parisiens, 12 janvier 1905.
Les philologues allemands furent particulièrement actifs dans la redécouverte de la littérature occitane du Moyen Âge. La littérature occitane contemporaine y trouva très tôt un écho non négligeable. La première traduction allemande de Mirèio par Betty-Dorieux Brotbech est publiée en 1880. A gauche, ci dessus : l’édition de 1884.