L’Italie fasciste de Mussolini (1922-1943) sera sensible à promouvoir l’idée d’une union latine dont la capitale serait Rome. C’est dans ce contexte politique qu’est célébré en 1930 le Centenaire de la naissance de Frédéric Mistral en Italie et que se développeront les premières études provençales à l’université romaine.
A l'instar de toute la jeunesse romantique française, Frédéric Mistral, étudiant en droit à Aix-en-Provence, s’embrase en 1848 pour l’aventure italienne. Le berceau de la civilisation latine se soulève et entame son unification. Les révolutions sont alors durement réprimées par l’armée autrichienne sous le commandement du maréchal Radetzki. Dans la correspondance du Mistral adolescent, républicain romantique, avec le patriarche Roumanille, très conservateur, on entrevoit une véritable conscience historique et un engagement européen chez le futur auteur de Mirèio.
Mais une décennie plus tard, lorsque la renaissance d’oc mistralienne est en marche, les ardeurs de Frédéric Mistral ont faibli, dans un Félibrige dominé par des personnalités conservatrices. L’heure est alors à l’Idée latine, qui rend compatible les aspirations provençales et la politique de la République française en faveur d’un contrepoids géopolitique à l’expansion germanique.
En 1874, les célébrations du cinquième centenaire de Pétrarque, le grand poète italien qui passa une partie de sa vie en Avignon, sont l’occasion pour le Félibrige naissant d’obtenir un écho national et international. Les liens littéraires et fraternels de la Provence et de l’Italie peuvent ainsi être réaffirmés devant les représentants du jeune royaume voisin.
Mais le sentiment de fraternité avec les Provençaux demeurera faible en Italie. En concluant une alliance avec l’Allemagne et l’Autriche, la diplomatie italienne porte un coup à l’Idée latine. Mistral conçoit ce renversement politique comme une trahison :
“Quand faguerian l’Itàli, à Solferino e Magenta, quau aurié ausa crèire qu’aquéli boujarroun, à la desfacho de la Franço, se virèson un jour emé li Tudesc maudi contro nous-autre !”
“Quand nous fîmes l’Italie, à Solférino et Magenta, qui aurait osé croire que ces coquins, à la défaite de la France, se tourneraient un jour vers les Tudesques maudits contre nous !”
Lettre à Berluc-Pérussis, 15 mars 1890.
Au final la relation entre Frédéric Mistral et l’Italie est essentiellement personnelle et littéraire. C’est en Italie que Frédéric Mistral fera le seul grand voyage de sa vie - le parcours espagnol de 1868 était un voyage officiel. Il y puisera pour son dernier grand œuvre, le Pouèmo dóu Rose, récit poétique d’un voyage sur le Rhône, bon nombre d’ingrédients italiens. Bien que tardives, les traductions italiennes des œuvres de Mistral par Mario Chini (Mirèio, 1905, Pouèmo dóu Rose, 1930) sont considérées comme les meilleures traductions étrangères.
Lointain et très symbolique écho de la renaissance d’oc en Italie, dans les années 1950 Pier Paolo Pasolini fonde un Félibrige frioulan, “pour porter le Frioul à un niveau de conscience qui le rende représentable... et, pour se servir avec liberté et une certaine virginité de sa langue...”