Instantané de l’état d’esprit de la population durant le conflit, la correspondance échangée entre les soldats et l’arrière, avec les carnets de guerre tenus par certains soldats, sont sans conteste une des sources directes les plus fiables et abondantes pour saisir le vécu de la guerre.
Dans cette abondante documentation, on trouve au final assez peu d’occitan, de breton, de basque etc. Le français est en effet pour la génération de 1914 la seule langue d’écriture apprise à l’école, l’occitan ne transparaît qu’occasionnellement dans les lettres des soldats et de leur famille, écrite de façon phonétique pour exprimer un mot ou une expression mal maîtrisés en français ou ressentis comme intraduisibles. Pour autant, comme l’ont bien établi Gérard Braconnier et André Minet dans leur ouvrage consacré aux correspondances des soldats du midi, les productions écrites ne rendent compte que de manière indirecte de l’usage massif de la langue à l’oral entre soldats venus des différents pays de l’espace occitanophone. La guerre a d’ailleurs ici sensiblement participé à la conscience de l’unité de la langue occitane parmi les soldats gascons, languedociens, limousins, auvergnats ou provençaux. Nombreux sont les témoignages de ces soldats qui se découvrent un “parler” commun avec leurs compatriotes venus d’autres régions occitanophones.
Il ne faut pas non plus négliger quelques corpus rédigés entièrement en occitan. Il s’agit de carnets et de correspondances produits par de véritables militants de la langue occitane, déjà engagés avant la guerre dans les mouvements renaissantistes et félibréens et qui, par là, maîtrisaient des règles d’écriture pour leur langue. Après l’affaire du XVe Corps, le discours de ces militants évolue dans leurs écrits personnels et se recentre sur la défense des “méridionaux” et de leur langue face à ce qui est ressenti comme un racisme anti-méridional très présent parmi les compagnies où ils étaient minoritaires.
La correspondance de Valère Bernard et l’affaire Baroncelli
En 1915, une mesure disciplinaire était prise contre le soldat Folco de Baroncelli-Javon (1869-1943) - classe 1889, 118ème Territorial, 14ème Cie -, membre actif du félibrige, poète et manadier camarguais, “pour avoir tenu des propos démoralisants”. Baroncelli est alors condamné à une peine disciplinaire : la détention en forteresse à Toul. Cette sanction déclenche une levée de boucliers au sein des membres du Félibrige qui militent pour sa réhabilitation. Un échange nourri de correspondances entre les grands noms du Félibrige a pu être conservé dans les collections du Collège d’Occitanie au sein de la correspondance de Valère Bernard (1860-1936) alors Capoulié. Tous cherchent un moyen de faire pression sur le commandement pour obtenir la réhabilitation du soldat.
Cela aboutira à la publication d’une pétition en français adressée au Commandant de la XVème Région et demandant l’acquittement de Folco de Baroncelli. Une lettre de Marguerite Priolo, adressée à Valère Bernard et datée du 18 août 1915, indique que, grâce à l’action de ses amis félibres, Folco de Baroncelli a pu être acquitté et échappe donc à l’emprisonnement.