La III
e République, née du traumatisme de la défaite militaire de 1870 et de la perte de l’Alsace-Moselle, demeure jusqu’en 1914 un régime fragile, obsédé par le camp de la « réaction » cléricale et monarchique. La période est marquée par une intense propagande pour développer le sentiment d’unité nationale, mais aussi pour préparer toute la société à la “revanche” militaire sur l’Allemagne.
Le chant des écoliers (extraits), paroles d’Albert Artignan, instituteur languedocien, vers 1910.
La politique d’Instruction publique mise en place sous la IIIe République à partir de 1879 s’inscrit dans l’héritage révolutionnaire de Grégoire et de Barrère qui avaient, sous la Terreur, élaboré la doctrine de « l’anéantissement » des patois comme condition de la République et du progrès. Elle prend également place dans le contexte du traumatisme de la défaite de 1870 et de la préparation de la « revanche » contre l’Allemagne. C’est ainsi que naquirent en 1882 dans le cadre des lois scolaires de Jules Ferry, les « bataillons scolaires » qui devaient familiariser les écoliers avec le maniement des armes. Supprimés en 1892, ils sont substitués pour les élèves de plus de 10 ans par des exercices militaires et du tir à la cible.
Le chant des écoliers (extraits), paroles d’Albert Artignan, instituteur languedocien, vers 1910. «La Grande Equipe du Midi» carte postale éditée à Toulouse en 1914. Carte-photo, s.d., collection CIRDÒC.
Cette carte postale humoristique imprimée à Toulouse en 1914 montre les cinq grandes personnalités de l’Etat-Major en mettant en scène leur origine méridionale, chacun arborant les couleurs de leur ville : Joffre “jouant” à Perpignan, Foch à Tarbes, de Castelnau au Stade Toulousain, Boué de Lapeyrère à Auch, et Gallieni à St Gaudens, la tête du Kaiser Guillaume servant de ballon. Cette image de propagande patriotique méridionaliste tranche avec la réalité de l’image des Méridionaux dans une partie de l’opinion telle que la révèlera l’affaire du XVe Corps dès août 1914.
«La Grande Equipe du Midi» carte postale éditée à Toulouse en 1914. Carte-photo, s.d., collection CIRDÒC. Faisant face au développement de mouvements renaissantistes - à l’instar du Félibrige en Provence puis dans tout l’espace occitan - et plus encore à la difficulté de gommer l’attachement identitaire des français à leurs terroirs, qui demeurent pour une majorité d’entre eux le seul horizon de leur vie sociale, économique et culturelle, les élites républicaines vont nuancer l’idéologie du corps national uniforme et en appeler au contraire à l’amour de sa « petite patrie », désormais soluble – car vidée de ses ferments particularistes, langue et revendications fédéralistes en tête – dans la « Grande Patrie ».
Moment de fête communautaire et de représentations collectives, les carnavals sont symptomatiques de l’état social, économique et idéologique de la société languedocienne. Sur ces photographies du carnaval de Béziers en 1892, la succession de chars de la cavalcade est un des marqueurs de l’identité de cette société du bas-Languedoc de la fin du XIX
e siècle : aux côtés d’éléments de tradition – animaux totémiques, danse des treilles, etc. - l’emprise du progrès industriel et de la société marchande se fait sentir (on fait défiler des vélos, des pompes hydrauliques, des machines agricoles, etc.).
Le poids de l’armée et du patriotisme est également bien présent avec ces deux chars de militaires. Sur le premier (à gauche) on peut lire “Honneur et Patrie”, tandis que l’autre est orné d’une Marianne au bras vengeur.