L’occitan n’a pas été seulement utilisé par les soldats, félibres ou militants présents au front, et dans les écrits personnels des familles et soldats pour lesquels l’occitan demeurait la langue ordinaire de communication. On le retrouve de manière plus surprenante sur des affiches de propagande et plus particulièrement sur celles appelant la population à contribuer à l’effort de guerre.

Durant tout le conflit, l’État doit en effet faire face à des dépenses sans cesse plus importantes. Le gouvernement décide alors de faire appel aux contributions directes et indirectes : impôt sur le revenu créé en juillet 1914, impôt sur les bénéfices de guerre à partir du 1er juillet 1916, relèvement des droits sur les alcools, les sucres, etc. Mais l’État souhaite limiter le recours à l’impôt afin de ne pas imposer un sacrifice supplémentaire à une population civile très éprouvée.

Affiche « Brabes audencs... Souscribètz à l’Emprunt ! » Coll. Archives départementales de l’Aude (1M1069)

Cette affiche diffusée dans le département de l’Aude est un document particulièrement original parmi le corpus des affiches des emprunts nationaux. Ici, pas d’image, et de très faibles appels à l’émotion et à la solidarité pour les frères et les fils qui sont au front, ni d’ailleurs au patriotisme. Sur cette affiche sans date et sans signature, le propos entièrement rédigé en occitan est un argumentaire assez détaillé en vue de convaincre les prêteurs sur les garanties financières de l’emprunt national.

L’argumentaire n’hésite d’ailleurs pas à sous-entendre qu’il s’agit de faire une “bonne affaire”. L’affiche semble s’adresser aux populations paysannes de l’Aude dont les plus âgés sont sans doute encore très peu francophones.

On peut penser également qu’un argumentaire en occitan permettait de créer une connivence avec des populations qui, même lorsqu’elles parlaient français, continuaient de traiter leurs affaires commerciales en occitan dans le cadre d’une économie encore très régionale. Il est possible que cette affiche ait été créée par la Banque de France. Elle constituerait donc un rare exemple de communication officielle en langue occitane.

Affiche « Brabes audencs... Souscribètz à l’Emprunt ! » Coll. Archives départementales de l’Aude (1M1069)

Affiche « Marsihés fai toun devé ! On les tient ! » 4ème emprunt national. Banque François Casati et Cie. Aficha 83.5 x 113.5 cm., lithographie couleur. Illustrateur : B. Chavannaz ; imprimeire : Crété, 1918.

Ces deux affiches ont été commandées et diffusées par une banque marseillaise à l’occasion des emprunts de la fin de la guerre. Les injonctions en occitan «Marsihés, fai toun devé !» (Marseillais, fais ton devoir !) et «Afourtissen la Vitòri en pouertant nouèstei sòu a l’emprunt de la Pas !» (Renforçons la Victoire en portant nos sous à l’emprunt de la Paix) s’inscrivent dans un ensemble de motifs exaltant le patriotisme local. L’occitan est ici utilisé parmi un ensemble de références à l’identité locale, dans une dialectique classique de l’époque qui exaltait l’amour «naturel» de la petite patrie comme condition d’amour à la «Grande» Patrie.

Affiche « Marsihés fai toun devé ! On les tient ! » 4ème emprunt national. Banque François Casati et Cie. Aficha 83.5 x 113.5 cm., lithographie couleur. Illustrateur : B. Chavannaz ; imprimeire : Crété, 1918.

Affiche “Afourtissen la Vitòri...” 5ème emprunt national. Banque François Casati et Cie. Aficha 120x80 cm., lithographie couleur. Illustrateur: Jean-Amédé Gibert, Impr. provençale Guiraud, Marseille, 1919.

Ces deux affiches ont été commandées et diffusées par une banque marseillaise à l’occasion des emprunts de la fin de la guerre. Les injonctions en occitan «Marsihés, fai toun devé !» (Marseillais, fais ton devoir !) et «Afourtissen la Vitòri en pouertant nouèstei sòu a l’emprunt de la Pas !» (Renforçons la Victoire en portant nos sous à l’emprunt de la Paix) s’inscrivent dans un ensemble de motifs exaltant le patriotisme local. L’occitan est ici utilisé parmi un ensemble de références à l’identité locale, dans une dialectique classique de l’époque qui exaltait l’amour «naturel» de la petite patrie comme condition d’amour à la «Grande» Patrie.

Affiche “Afourtissen la Vitòri...” 5ème emprunt national. Banque François Casati et Cie. Aficha 120x80 cm., lithographie couleur. Illustrateur: Jean-Amédé Gibert, Impr. provençale Guiraud, Marseille, 1919.