Parcours :

Bernard Manciet, votz del parlar negre / voix du parler noir

[Lo gojat de noveme  / Bernat Manciet ; texte lu par l'auteur  ; enregistrement de Serge Javaloyès]

Bernard Manciet retrach per Pascal Fellonneau

 

Bernard Manciet, votz del parlar negre/ voix du parler noir

 

À chaque instant, dans cet Enterrament aux dimensions de l'univers, le gascon de Manciet parle en langues, projette toutes les langues à la face du Ciel. À partir d'une seule d'entre elles, la plus petite, la plus obstinément locale, et parfois locale - il faut en louer l'écrivain - jusqu'à l'acharnement poético-thérapeutique le plus exacerbé, le discours du poète devient la somme et la multiplication de toutes les autres.
Philippe Gardy, "Le ciel de Sabres brille comme une chaudière", dans Bernard Manciet : la voix d'une œuvre, Auteurs en scène, 1997.

 

Voix du parler negre des Landes, forme de gascon au phonétisme particulier dont il a su faire, au fil des ans, un véritable style, et même, au-delà, un authentique mythe, Bernard Manciet (1923-2005) a bâti une œuvre hétéromorphe, abordant la poésie, le roman, l'essai et à la fin de sa vie la performance de diseur public.

Bernard Manciet publie ses premiers poèmes dans la revue Reclams à la fin des années 1940. En 1989 paraît L'Enterrament a Sabres, son grand œuvre poétique, livre-monde, épopée du familier, de 131 poèmes en 16 parties. Dans "une langue ancienne et rare" (Jacques Roubaud), Bernard Manciet fait entrer dans la légende un peuple rassemblé par la mort, un peuple en quête d'un Dieu qui se dérobe.

 

 

Descobrir l'òbra / Découvrir l'œuvre

 

 

"Photo Georges Souche, extraite du portfolio fòto-poesia "Arbres" (éditions Cardabelle)" 

 

L’aubre en torment e que s’ahona e frolha Tourmenté l’arbre en soi plonge et se froisse

dotz de ventena dont se’n espartís

source de la tempête dont il se départ
e de traucs vius l’embrada lo bastís de trouées vives bâti par la bourrasque
invariable inversada deu hoge invariable inversement de la foudre
e de tots prigles l’ivèrn lo despolha de tous orages l’hiver le dépouille
de gènce enlòc empalancut païs d’un plus beau non-lieu contrée il l’enfeuille
de major vista enluïda eslaurís et de plus large une éblouie il fleurit
se succedint geure e que se barralha et se succède givre en soi reclos
lo dròmer atau deu saunei au saunei ainsi de songe en songe en va-t-il du sommeil
que l’illumina un en balas cabelh qu’illumine une vaine cime
mèi hautejant in.hèrn que tota lana plus haut enfer que toute lande
mon aulom s’ès de prohon sombrejar si c’est toi cet ormeau d’obscurité profonde
ennueitís-me de ton eternau vana couvre-moi de nuit vaine à jamais
mès aqueth hred - Diu!- quan arribarà? mais ce froid - ô mon Dieu - quand arrivera-t-il?

 

Bernard Manciet, « L'aubre en torment e que s'ahona e frolha », in Sonets (Ed. Jorn).

 

 

E per lavà'm las mans - parlar sorne d'ací Pour l'ablution des mains - dans le parler sombre d'ici
la pluja enqüèra la pluja de las lèrmas nòstas sègle e sègle la pluie encore pluie de nos larmes siècle après siècle
qu'i plau pecats qu'i plau sarrat borromb sorne il pleut des péchés il pleut dru avec un bruit sombre
i plau d'aplaus de ridèu de tòla il pleut en applaudissements de rideau métalliques
sharrabast sauvatge de plors fracas sauvage de pleurs
plau pèiras plau armadas il pleut des pierres par armées
a eslurradas de gron par dégringolades de grain
a ambradas de barbòst en Julh sas cueishas secas par bourrasques d'insectes de juillet aux cuisses sèches
plau amna de Seteme e qu'aüca qu'aüca de lunh avant la pluja il pleur âme de septembre et de loin la pluie appelle appelle
l'entenen dab l'espatla on l'entend avec l'épaule
nient qu'i plau a flors grana il pleut du néant par grandes fleurs
lutzèra de Seteme a bròcs e calunas de la lumière de septembre par bruyères
lo cèu que se vuita lo còr le ciel dit tout ce qu'il avait à dire
dab lo parlar sorne d'ací... dans le sombre parler d'ici...

 

Bernard Manciet « Ofertòri / L'offertoire » - LVIII, L'Enterrement à Sabres, Paris, Gallimard, 2010.

 

La poesia de Bernard Manciet per René Nelli

 

«Une étude d'ensemble sur l’œuvre de Manciet ne se fera pas attendre longtemps. Elle permettra peut-être de mieux cerner ce « monstre » d'originalité, dont le renouvellement verbal incessant et le jaillissement lyrique intérieur ne doivent rien aux dernières modes littéraires de Paris. Entre René Char et Quasimodo, Bernard Manciet est certainement l'un des grands poètes – méconnus – de l'Europe moderne.»

René Nelli, La poésie occitane, Paris, Editions Seghers, 1972.

 

La votz del poèma / La voix du poème

InBernard Manciet, Morceaux choisis dits par l'auteur, Montpellier : Aura productions, 1997.

 

 L'aubre en torment. Poème lu par Muriel Batbie-Castell. 

De legir / À lire

MANCIET, Bernard, L'Enterrement à Sabres, édition bilingue (occitan-français), Paris : Gallimard, 2010. 

 

Bernard Manciet, votz del parlar negre / voix du parler noir